La guerre d’Ukraine nous a pris par surprise. Une autre nous est livrée, sans que nous y prenions garde, par des régimes autoritaires qui cherchent à affaiblir nos démocraties. La Russie, mais aussi la Chine et la Turquie nous ont pris pour cibles. Leurs armes ne tirent ni missiles ni cartouches, mais nous divisent et nous menacent. Comment ?

D’abord par la manipulation de l’information : on commence à beaucoup en parler sans bien en mesurer l’ampleur. Covid, tensions religieuses, mouvements sociaux, droits des femmes et des minorités : tout est bon pour s’immiscer dans nos débats, attiser nos querelles et nous faire croire que nous sommes irréconciliables.

Par l’ingérence dans notre vie politique ensuite : campagnes électorales, Brexit, Catalogne, partout on trouve la patte d’ingérences étrangères dont nous n’avons pas encore tout dit. Entre deux votes, les partis extrémistes font l’objet de toutes les attentions, parce qu’ils clivent. Ce ne sont pas les seuls. L’ancien chancelier allemand Gerhard Schröder (par ses liens personnels avec Poutine et ses implications dans le secteur de l’énergie russe) n’est qu’un symbole d’une pénétration plus profonde de nos élites par des puissances étrangères dont les intérêts ne sont pas les nôtres.

Nous voici donc attaqués. Pourquoi ? Pour ce que nous sommes, un choix de société insolent de santé malgré son grand âge

Ce n’est pas tout. Au cœur de nos universités, nos centres de recherche, nos think tanks, des intérêts russes ou chinois se faufilent, attrapent tout ce qu’ils peuvent, découvertes scientifiques en cours et matière grise à vendre. Et parce que trop de nos centres d’excellence dépendent de financements étrangers, Pékin et Moscou comme Ankara jouent de cette relation et s’efforcent de contrôler à la fois le contenu des enseignements ou des recherches qui les concernent et le comportement des étudiants qu’ils envoient.

Car le contrôle des diasporas est un autre moyen de peser sur nos démocraties de l’intérieur. En Chine, le Parti communiste surveille les communautés chinoises de l’étranger pour qu’elles portent les messages de Pékin et étouffent les voix dissidentes. En Turquie, le pouvoir lance ses Loups gris à l’assaut des Kurdes ou des Arméniens réfugiés en Europe, et utilise le canal des associations et des mosquées qu’il contrôle pour passer ses diktats.

Ainsi de cette ingérence que l’on ne voit pas, celle de mouvements religieux venus d’ailleurs, évangéliques américains, orthodoxes russes, Frères musulmans, d’accord sur rien sauf sur une chose : s’en prendre aux droits des femmes et des minorités dans le monde entier, notamment chez nous. Contrairement aux apparences, ils font souvent un bout de chemin ensemble, et leurs querelles comptent moins que ce sur quoi ils s’accordent : combattre la laïcité et rabaisser les droits humains.

À ce tableau déjà sombre, on ajoutera l’instrumentalisation des migrants, dont la Turquie et le Bélarus se sont fait une spécialité, le sabotage d’infrastructures critiques, les cyberattaques de toutes sortes et de grande ampleur où la Chine agit de plus en plus comme un acteur majeur.

Nous voici donc attaqués. Pourquoi ? Pour ce que nous sommes, un choix de société insolent de santé malgré son grand âge, qui conjugue démocratie, liberté individuelle, esprit d’entreprise et justice sociale. Ce qu’a d’insolent ce modèle, c’est qu’il reste attractif, pour l’Ukraine, pour l’Arménie, pour Taïwan ou pour d’autres. Ce qui inquiète les régimes autoritaires, c’est qu’il les fait voir par contraste pour ce qu’ils sont, des dictatures mafieuses sans autre projet que de durer.

Face à ces attaques, il ne suffit pas de demander ce que fait l’État ou ce que fait l’Europe. En ces temps de mobilisation, celle de chacun d’entre nous est essentielle. 

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