Ce numéro exceptionnel du 1 accompagne avec joie et curiosité la ville de Clermont-Ferrand dans sa candidature ambitieuse au titre de capitale européenne de la culture en 2028. La culture, justement, quelle est-elle dans cette époque de dématérialisation accélérée et d’explosion du numérique qui apporte sur nos écrans des contenus et des influences venus du monde entier ? La question est d’autant plus vivace que, les enquêtes savantes et la simple observation le montrent, les années de Covid et les périodes de confinement, si elles ont réduit l’accès à ce qu’on appelle la « culture de sortie » pour cause de fermeture de nombreux établissements, ont en revanche favorisé l’accès aux biens et services culturels sur la Toile. Comme le souligne Patrice Chazottes, venu du Centre Pompidou pour donner corps et âme au projet clermontois, il faut en finir avec les préjugés culturels et ouvrir les yeux devant les grands changements, pour ne pas dire chambardements, en cours. Et particulièrement l’avènement de ce qu’il nomme l’« amateur cosmopolite », qui dispose d’un répertoire de références culturelles internationalisées, plébiscitées par la jeunesse, qui vont de la K-pop coréenne aux mangas japonais, en passant par Game of Thrones ou l’univers de Bollywood.

Le besoin de concerts, de spectacles vivants, n’a pas été balayé par des technologies individualistes

Les jeunes ont beau avoir une pratique culturelle très individualisée à travers les écrans, la sociologue Sylvie Octobre souligne que la sociabilité reste un moteur puissant pour des sorties entre copains. Autrement dit, la culture et ses sources d’inspiration peuvent changer, être ensemble reste un leitmotiv des pratiques culturelles. Le besoin de concerts, de spectacles vivants, n’a pas été balayé par des technologies individualistes qui tendent par ailleurs à gommer les frontières entre émetteur et récepteur : tout individu équipé d’un smartphone peut se lancer dans la vidéo et se vivre comme « créateur », les réseaux sociaux permettant de surcroît à chacun d’entrer en relation (quasi) directe avec ses artistes préférés.

Enfin, lutte contre les préjugés oblige, notre grand poster fait la part belle à des enquêtes et reportages sur des aspects méconnus des pratiques culturelles observées notamment en Auvergne : l’engouement de jeunes passionnés pour les bals traditionnels – vive la bourrée à trois temps ! – ou l’attrait pour le bowling virtuel qui saisit les seniors de 65 ans révolus participant au trophée Silver Geek, du nom d’une association active dans la France entière, animée par des bénévoles et des jeunes au profit des plus âgés. Preuve que les jeux vidéo passent allègrement les classes d’âge. Deux illustrations parmi tant d’autres d’une culture surprenante, inattendue et infiniment vivante. Signe que, même éteints, les volcans d’Auvergne savent accoucher de brûlantes et lumineuses vérités. 

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