Derrière le masque de la « notabilisation », que veut vraiment le Rassemblement national ? À l’occasion de la campagne présidentielle de 2022, la fondation Terra Nova a publié plusieurs notes sur les propositions de Marine Le Pen qui démontrent de nombreuses discordances entre les discours et les actes. Le point clé concerne la « priorité nationale », anciennement appelée « préférence nationale ». Malgré l’euphémisation, cette « volonté de préserver le peuple français de la submersion migratoire » est susceptible de créer un chaos institutionnel en France et en Europe.

Sitôt élue, Marine Le Pen avait en effet prévu d’organiser un référendum visant à modifier la Constitution afin d’y faire entrer « la sauvegarde de l’identité et du patrimoine de la France ». Réserver certains droits à des citoyens en fonction de leur origine constituerait une rupture d’égalité contraire à la loi fondamentale. En outre, une telle révision ferait sortir la France de plusieurs traités internationaux et entraînerait une crise européenne. Même si, entre 2017 et 2022, Le Pen a abandonné son projet de sortie de l’UE, l’adoption de mesures constitutionnelles contraires au droit européen isolerait la France de ses alliés et correspondrait à un Frexit rampant.

Son programme économique et social contredit l’image protectrice que Marine Le Pen s’est patiemment construite. Il ne prévoit ni le rétablissement de l’ISF ni la remise en cause des baisses d’impôts sur les entreprises (25 %) ou sur les revenus financiers (flat tax à 30 %). D’autres mesures fiscales dessineraient une politique fort peu redistributive : par exemple, la suppression de l’impôt sur le revenu pour les moins de 30 ans, alors que les couches les plus populaires (50 % des Français) ne paient pas l’impôt sur le revenu.

De la même manière, sa proposition de baisser la TVA sur l’énergie de 20 % à 5,5 %, outre qu’elle est en contradiction avec les objectifs de réduction des gaz à effet de serre, profiterait autant aux catégories aisées qu’aux couches populaires. Quant au reste des mesures – moratoire sur le solaire et l’éolien, démantèlement des éoliennes déjà installées, construction de vingt EPR –, il était apparu irréaliste à nombre de spécialistes.

La « priorité nationale » entraînerait la suppression des aides sociales pour les étrangers, notamment des aides aux mères isolées. Et les allocations familiales seraient réservées aux familles françaises pour « faire passer les nôtres avant les autres ».

Contrairement aux déclarations de Marine Le Pen qui se disait « attentive à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes », les eurodéputés RN ont voté en 2020 contre une résolution visant à réduire les écarts de salaires dans l’UE. En 2012, Le Pen prônait le déremboursement de l’IVG pour lutter contre les « avortements de confort », opposition qu’elle a ensuite fait évoluer pour viser les « IVG multiples ». En 2022, son credo nataliste l’a poussée à contester l’allongement du délai légal de 12 à 14 semaines. De la même manière, l’une des propositions phares du programme concernait un prêt immobilier à taux zéro pour les jeunes couples dont le capital restant dû serait effacé à la naissance du troisième enfant. Une mesure qui coûterait plusieurs milliards par an et qui, selon des spécialistes de la famille, aurait peu d’effet sur le nombre de naissances en France.  

 

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