La première question que je me pose, en tant que journaliste est celle du public, de la cible : à qui est-ce que je m’adresse et quel est le message que je souhaite faire passer ? L’apprentissage de l’écriture journalistique a été un cheminement pour moi. On n’écrit pas de la même manière une poésie, un roman ou un article. J’ai appris lors de mes études qu’une idée devait tenir en une phrase ou un paragraphe. Il a donc fallu reconstruire toute ma manière d’écrire. J’avais l’habitude de faire de belles et longues phrases, pleines de virgules. On m’a fait comprendre que le plus important, c’était d’avoir des phrases courtes, simples et compréhensibles pour le lecteur. Plus question de laisser la plume divaguer, de faire des métaphores et d’enchaîner les tournures. En école de journalisme, on ne m’a pas appris à avoir une écriture « stylée », mais plutôt une langue claire, concise et didactique. Ce n’est pas forcément un apprentissage frustrant. On déconstruit son style pour en trouver un autre dans les codes du métier. Mais c’est un exercice dont je me suis rapidement écarté pour partir à la recherche d’une communication plus naturelle.

J’ai toujours voulu m’adresser aux gens de ma génération, c’est-à-dire à de jeunes adultes. C’est donc important pour moi de parler comme eux, sans tomber dans une forme de jeunisme cliché, mais en évitant un langage trop soutenu, trop solennel. Je garde une rigueur journalistique dans ce que je dis et dans les informations que je communique, mais dans une langue qui va du courant au familier. L’objectif est de rester moi-même le plus possible. Par exemple, je n’adapte pas ma manière de m’exprimer en fonction de mon invité. Il y a quelques années, j’ai interviewé Élise Lucet dans mon émission Moonwalk. On n’a pas le même âge et pourtant je l’ai tutoyée, comme je l’aurais fait avec un rappeur de ma génération.

« Il a donc fallu reconstruire toute ma manière d’écrire »

Ce qui me tient à cœur dans ce métier, c’est de traiter tous mes invités de la même façon, avec la même considération. De ce fait, je ne me vois pas leur parler d’une manière différente. S’adresser à quelqu’un en le tutoyant, en étant d’emblée très chaleureux, permet d’installer davantage de complicité au fil de la conversation. Là encore, c’est un équilibre, je ne vais pas forcer la familiarité. Pourtant, un « frérot » peut m’échapper pendant une interview mais, au fond, ce n’est pas bien grave parce que j’aime l’idée qu’on est « entre nous ». Dans mon émission la plus récente, feat., j’accueille deux invités comme si je recevais des amis à la maison. Évidemment, je garde une certaine distance pour rester honnête dans mes questions et dans les sujets évoqués, mais je joue parfois avec cette distance ou je la brise afin de créer une expérience plus agréable pour le spectateur qui a l’impression de voir des gens qui s’entendent bien et partagent un bon moment sur un bout du canapé !

« J’ai toujours voulu m’adresser aux gens de ma génération »

Parmi mes invités, il y a souvent des rappeurs. En tant que journaliste, c’est un plaisir de pouvoir m’appuyer sur leurs textes, qui sont très fouillés, soignés dans la manière de raconter aussi bien leur quotidien que la société. Comme les textes sont souvent autobiographiques, c’est riche de puiser dans cette matière, cela donne des interviews très profondes, qui permettent de raconter les liens entre l’homme et l’artiste. Il y a autant de styles que de rappeurs. Certains vont faire de longues phrases, raconter des histoires, d’autres sont davantage dans une forme de punchline avec une écriture ultra efficace qui utilise parfois la vulgarité, mais jamais de manière gratuite. Pour moi, la vulgarité trouve son sens si elle décrit une situation, une réalité. Chaque phrase est pesée, choisie pour transmettre une émotion à l’auditeur, exprimer une consternation, susciter l’indignation. Et ce n’est d’ailleurs pas le fait du rap. On en trouve dans des textes de rock comme dans la variété française – il suffit de penser à Serge Gainsbourg ou à Renaud. Bien sûr, ce ne sont pas les mêmes codes, pas la même façon de dire les choses. Mais je pense qu’il y a beaucoup de liens à faire. 

 

Le plus beau mot de la langue française selon vous

« Merci. » 

 

Le mot que vous dites le plus souvent

« Dinguerie. » Ça sert à plein de choses, aussi bien positives que négatives, c’est surprenant, inattendu… C’est une dinguerie !

 

Votre juron préféré

« Putain. » Mais bon, je ne sais pas si on peut écrire ça dans le 1 !

 

Le mot que vous détestez

« Mort. » 

 

Un mot typiquement français à faire découvrir à un étranger

« Gargantuesque. » 

 

Une chanson qui illustre la beauté de la langue française

« Je l’aime à mourir », de Francis Cabrel.

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