Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, on parle beaucoup du « brouillard de la guerre ». Quel est le sens de cette expression ?

Jean-Vincent Holeindre : Le brouillard de la guerre, c’est l’incertitude qui est propre à tout conflit armé. Cette notion intègre plusieurs paramètres. Le premier tient au fait qu’à un moment donné, les stratèges des deux camps ne peuvent pas savoir exactement ce qu’il y a dans la tête de l’ennemi, pas plus que ce qu’il va se passer. Le deuxième élément, c’est qu’une opération militaire, même bien planifiée, ne se déroule jamais tout à fait comme prévu. Clausewitz, le grand théoricien militaire prussien, l’avait formulé : la planification est une chose, la mise en œuvre une autre. Enfin, il faut prendre en compte tous les discours tenus par les états-majors, les pouvoirs politiques et les médias, qui vont constituer un « environnement » de la guerre. Dans l’analyse de ce conflit, l’idéal serait de n’être dupe ni de la propagande russe ni de la rhétorique ukrainienne.

Michel Foucher : Le brouillard de la guerre porte d’abord sur les intentions du Kremlin, qui a embrouillé tout le monde jusqu’au 24 février 2022. Son locataire expliquait que ses troupes s’étaient massées en Biélorussie pour de grandes manœuvres. Même la chaîne de commandement russe pensait participer à de simples exercices, alors vous imaginez les pauvres soldats !

Dès le début de l’invasion, le brouillard s’est partiellement dissipé. L’objectif de cette guerre d’agression était de s’emparer de Kiev, de décapiter le gouvernement. Le Kremlin était persuadé que l’état-major ukrainien se soumettrait et que la population serait apathique ou ravie. Cela explique la manœuvre militaire qui a consisté à lancer sur quelques grands axes de circulation, en période de pluie, de neige et de boue, l’essentiel des forces militaires sans préparation d’artillerie ni bombardement général. Pardonnez mon réalisme, mais pourquoi les infrastructures critiques n’ont-elles pas été pilonnées ? Parce que les Russes, saisis par une hubris incompréhensible, pensaient installer en quelques jours un gouvernement fantoche à Kiev ! Il ne fallait donc pas détruire ce que l’on pensait récolter en un tour d

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