L’autoroute du changement
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L’heure n’est pas encore à allumer les feux de détresse. Mais le règne de l’automobile traverse depuis quelques années une zone d’épais brouillard. Critiquée pour son impact écologique, dépassée par des transports alternatifs plus modernes et moins coûteux, la voiture individuelle à moteur thermique voit son avenir s’assombrir. Déjà, les ventes de diesel ont connu un recul spectaculaire depuis l’affaire Volkswagen, lorsqu’on a soupçonné la marque d’avoir fraudé les tests d’émissions polluantes. Et les nouvelles normes environnementales WLTP sur le dioxyde d’azote et les particules fines, en vigueur dès l’an prochain, risquent de plomber davantage encore la filière. Quant aux véhicules à essence, leur temps paraît aussi compté, avec une extinction programmée, selon le gouvernement, à l’horizon 2040 – voire 2025, dans le cas de la Norvège.
Alors, la bagnole, c’est foutu ?, comme le demandait déjà Lino Ventura dans L’aventure c’est l’aventure ? Ça reste encore à prouver. Car l’automobile, dans les faits, n’est pas franchement sur la bande d’arrêt d’urgence. Un milliard de véhicules roulent aujourd’hui sur la planète. Trente millions dans le seul Hexagone. Le taux d’équipement automobile en France n’a jamais été aussi haut, dépassant allègrement les 85 % dans la plupart des régions. Seules les grandes villes font de la résistance, empoisonnées par les bouchons, la pollution de l’air, le bruit incessant. Mais leur exemple fait tache d’huile, au sein de populations toujours plus inquiètes des risques de dérapage sanitaire. Prisée pour son utilité, la voiture n’est plus ce monstre sacré, emblème de la modernité. Et il lui faut désormais se réinventer, au risque, dans le cas contraire, de finir à la casse, ou au musée.
Les géants de l’automobile pensent aujourd’hui comme le Guépard de Visconti : pour que rien ne change, il leur faut tout changer. Le carburant de leurs réservoirs, voué à disparaître avec la fin du pétrole ; la puissance de leurs moteurs, supplantée par le confort des passagers ; l’aménagement de leurs habitacles, mués grâce à la conduite autonome en véritables habitats ; la notion même de véhicules individuels, à l’heure où tout dans la société pousse vers le partage ou la location.
Dans quelques jours va s’ouvrir à Paris le Mondial de l’automobile, grand-messe bisannuelle censée faire la part belle à la voiture de demain. On n’y verra sans doute pas d’engins volants comme on en rêvait enfants, mais peut-être des modèles de voitures électriques signés Kalachnikov, Honda ou Fiat. Avec leurs moteurs compacts dissimulés sous des lignes géométriques, ceux-ci revendiquent un design délicieusement rétro, comme un écho au temps de la voiture triomphante. Il faut que tout change pour que rien ne change, on vous dit.
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