Poète du quotidien bourgeois à l’humour féroce et désabusé, Philip Larkin admirait Margaret Thatcher : « une lame d’acier ». Aujourd’hui encore, les Britanniques souffrent de sa réforme du NHS, leur système de santé. Une révolution libérale qui a créé une médecine à deux vitesses. 

Plus haut que le plus chic des hôtels,
La crête lumineuse se détache des kilomètres à la ronde, mais vois,
Tout autour le quadrillage étroit des rues qui montent et descendent
Comme un grand soupir venu du siècle dernier.
Les portiers sont miteux ; ce qui se gare sans cesse
Devant l’entrée ne sont pas des taxis ; et dans le hall
En plus des plantes vertes flotte une effrayante odeur.


Il y a des livres de poche, et du thé à tant la tasse
Comme dans un bar d’aéroport, mais ceux qui s’assoient docilement
Sur les rangées de chaises en fer, feuilletant les magazines défraîchis,
Ne sont pas venus de loin. C’est plus comme dans un autobus,
Ces vêtements de ville, ces sacs de provisions à moitié pleins
Et ces visages agités et résignés […] ; certains sont jeunes,
D’autres vieux, mais la plupart ont cet âge vague qui indique
La fin du choix, le bout de l’espoir ; tous


Là pour confesser que quelque chose a mal tourné.
Ça doit être une erreur du genre sérieux,
Car vois combien d’étages ça demande, combien
Ça a poussé à l’heure qu’il est, et combien d’argent file
Pour essayer de rectifier ça. Vois l’heure,
Onze heures et demie un jour de semaine,
Et ceux-là retirés du circuit ; vois, tandis qu’ils montent


À l’étage désigné […]. Tous savent qu’ils vont mourir.
Pas encore, peut-être pas ici, mais à la fin,
Et quelque part comme ça. Voilà ce qu’elle veut dire,
Cette falaise proprement coupée : une lutte pour transcender
La pensée de la mort, car à moins que ses pouvoirs
Ne surpassent les cathédrales, rien ne dément
L’ombre qui vient, même si des foules chaque soir s’y essaient
Avec des fleurs dispendieuses, fragiles et propitiatoires.

Fragment de poème extrait de La Vie avec un trou dedans (édition bilingue), traduction française de Guy Le Gaufey et Denis Hirson
© Éditions Thierry Marchaisse, 2011

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