L’hôpital public va-t-il résister à la cinquième vague ? Alors que l’augmentation du nombre de cas fait craindre un nouvel hiver sous tension, les regards se tournent encore une fois vers ces blouses blanches qu’on n’applaudit plus aux fenêtres depuis longtemps. Or, la situation ne s’est guère améliorée depuis deux ans. Elle paraît même plus inquiétante encore, compte tenu des pénuries de personnel, qui concernent aujourd’hui tous les établissements. Selon une enquête réalisée par la Fédération hospitalière de France cet été, 25 000 postes d’infirmiers et d’aides-soignants seraient vacants, auxquels il faut ajouter un tiers des postes de praticiens hospitaliers. Sans même parler de l’absentéisme, de l’ordre de 11,5 %, légèrement plus élevé qu’à l’habitude. Résultat : des milliers de lits sont aujourd’hui inutilisables, faute de soignants pour les prendre en charge, et certains services sont au bord de la rupture.

La situation, il est vrai, n’est pas seulement imputable à la crise sanitaire. Entre 2003 et 2017, 69 000 lits d’hospitalisation ont été fermés selon le ministère de la Santé, ce que semblent d’ailleurs oublier aujourd’hui les responsables d’alors. Le Ségur de la santé est depuis passé par là, des moyens importants ont été débloqués à l’été 2020 : 10 milliards d’euros de revalorisations salariales, 19 milliards d’investissements sur dix ans, 7 500 créations de postes à venir, 6 000 nouvelles places dans les écoles d’infirmiers et d’aides-soignants… Mais dans une France qui vieillit, en demande de soins toujours plus longs, ces mesures peinent à rattraper le retard accumulé au fil des années. Et ne suffisent plus à convaincre des équipes médicales à bout de souffle, éreintées par des conditions de travail éprouvantes, un management jugé défaillant et des salaires encore trop peu attractifs, par rapport au secteur privé notamment.

Ce numéro du 1 vous propose un portrait en coupe de l’hôpital public, pour mieux comprendre les motifs de colère des soignants, leurs appels à la grève ou à la manifestation, comme celle qui se tiendra à Paris ce 4 décembre. Mais aussi pour mesurer les enjeux financiers, les rapports avec le privé, ou encore les conséquences concrètes de cette crise pour la santé des Français. En creux, c’est la philosophie même du soin qui se trouve en question, tiraillée entre service public et rentabilité économique. La campagne présidentielle pourrait être le cadre de ce grand débat public, qui offrirait des perspectives claires aux hôpitaux français. Encore faudrait-il qu’on accepte de parler de santé, plutôt que d’identité. 

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