Il ne manquait plus que lui ! Comme si le Moyen-Orient n’était pas, déjà, une épouvantable pétaudière rongée par l’alternative mortifère entre régimes autoritaires et chaos. Pour cette région, Donald Trump à la tête des États-Unis, c’est l’éléphant dans un magasin de corbillards. Déjà, avec Hillary Clinton, la démocrate tendance faucon, on avait une petite idée de ce qu’elle aurait pu y faire, même si beaucoup de questions restaient en suspens. Mais Trump ? L’homme a dit tout et son contraire. Tout promis sans rien promettre. Et dans sa première interview télévisée, il a parlé de tout sauf de politique étrangère. Rien sur la guerre en Syrie, rien sur l’Iran, rien sur le Yémen, rien sur rien.

Faut-il, dès lors, croire à ses engagements de campagne ? Pour mémoire, Trump a promis de remettre en cause l’accord avec l’Iran sur le contrôle de ses activités nucléaires. Puis il a évoqué la nécessité de le « renégocier », ce qui n’est pas la même chose. En aura-t-il les moyens ? Sa possibilité de dénoncer un accord qui a été signé par cinq autres partenaires (Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne), un accord qui a aussi été avalisé par le Conseil de sécurité des Nations unies, est quasi inexistante.

En revanche, il pourrait utiliser un Congrès dominé par les Républicains pour saboter la mise en œuvre des mesures qu’il contient. D’ores et déjà, des voix républicaines s’élèvent pour revenir sur l’autorisation délivrée par Barack Obama à la société Boeing de vendre 17 appareils de transport civil à Iran Air, première livraison sur quelque 110 avions prévus au total. On voit d’ici la tête des dirigeants de Boeing si la vente est annulée, et celle des pétroliers texans misant sur l’ouverture future du marché iranien de l’énergie aux compagnies américaines. On imagine aussi la réaction des Russes et des Chinois.

D’autant que « le Donald », comme on dit aux US, pourrait bouleverser toute la politique américaine envers la Syrie en laissant Vladimir Poutine « faire le travail ». Dans un premier entretien au Wall Street Journal, il a suggéré qu’il pourrait retirer le soutien de Washington aux opposants « modérés » de Bachar Al-Assad, déclarant : « Nous n’avons aucune idée de qui sont ces gens. » Peu avant, il avait dit : « Je n’aime pas du tout Assad. Mais Assad tue les gens de Daech. » Bref, dans l’état actuel des choses, mieux vaut Poutine et Assad que le calife autoproclamé Al-Baghdadi ou ses semblables. Oui, mais alors, quid de Téhéran ? Les dirigeants iraniens ne sont-ils pas les meilleurs protecteurs d’Assad ?

Trump pourrait vite découvrir que les logiques binaires qu’il affectionne sont peu opérantes dans l’Orient compliqué. En attendant, Assad comme le président égyptien Al-Sissi ou le roi Salmane d’Arabie semblent se réjouir de l’accession à la Maison-Blanche d’un béotien absolu. Sans parler de Benyamin Netanyahou, à la tête d’un pays, Israël, où la population était peut-être la seule au monde à plébisciter l’accession de Trump au pouvoir. Ont-ils raison ? Ont-ils tort ? Allez savoir. Ne croyez pas un mot de tous ceux qui pronostiquent ce que sera sa politique dans l’espace arabo-musulman. Vraisemblablement, lui-même n’en a encore aucune idée. 

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