La scène a duré quelques secondes au journal télévisé. Une jeune Ukrainienne fuyant son pays apprend devant les caméras que son père vient d’être tué. Elle s’effondre, inconsolable. Le lendemain, un hôpital pédiatrique et une maternité de Marioupol sont détruits sous les bombes russes. Quelle est cette guerre où les femmes et les enfants sont pris pour cibles ? Images de détresse, de ruines, de cratères vertigineux, de corps sans vie. En contrechamp, Poutine reste droit dans sa lâcheté, violant toutes les règles de la paix sans personne pour le défier autrement qu’avec des mots et des atteintes au portefeuille. Alors, sur qui la population d’Ukraine sacrifiée sous nos yeux peut-elle compter pour que le cauchemar s’arrête, face à un tyran qui fait mine de négocier, mais ne feint jamais de tuer ?

Le « palmarès » du président russe parle pour lui. Partout où il a porté le feu, en Tchétchénie (« buter » les « terroristes » tchétchènes « jusque dans les chiottes »), en Géorgie, en Syrie ou en Crimée, partout il a propagé sa violence sidérale. Sans jamais se heurter à une résistance internationale digne de ce nom. Poutine n’a pas oublié qu’en Syrie, en son temps, Obama avait menacé d’intervenir si la ligne rouge de l’usage des armes chimiques était franchie. Elle le fut, et Washington resta couché. Comme un blanc-seing sanglant donné au président russe, le moment venu, de mettre en œuvre ses pires desseins, convaincu que l’Occident fermerait les yeux dans un aveu répété de faiblesse.

L’arme atomique, commente le colonel Michel Goya dans l’entretien qu’il nous donne, est telle la reine sur un échiquier.

Cette fois, la donne a en partie changé. En partie seulement. L’Europe a constitué un front uni de désaveu, de sanctions, de soutien armé aux Ukrainiens, sans toutefois franchir le pas d’une intervention directe. Les agressés restent bien seuls pour défendre leur patrie. C’est que la guerre prend une tournure sans pareille, engageant une puissance nucléaire. Le reste du monde est comme paralysé. L’arme atomique, commente le colonel Michel Goya dans l’entretien qu’il nous donne, est telle la reine sur un échiquier. Même si elle ne bouge pas, chacun sait qu’elle est là, et sa seule présence dicte la partie. À qui s’en remettre pour que cesse la guerre ? Tabler sur le dégel, la fameuse raspoutitsa, qui enlise les chars ? Sur la pression du peuple russe ? Ou sur le seul courage des Ukrainiens, qui continuent de mourir chaque soir au journal télévisé ? Une dessinatrice ukrainienne, Anna Sarvira, s’étonnait ces jours-ci sur Instagram qu’on lui demande : pourquoi ne pas vous rendre, pour sauver le plus de vies possible ? Se rendre ? Jamais, a-t-elle répondu. Poser cette question, c’est ignorer ce que signifie vivre sous le joug russe. « Comme obliger une victime à vivre avec son violeur », dit-elle. 

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