« Construire un récit choral, nourri par les mémoires individuelles »
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Denis Peschanski et Francis Eustache, l'historien et le neuropsychologue qui dirigent ensemble le programme de recherche 13-Novembre visant à comprendre et à analyser la mémoire traumatique des attentats, nous expliquent le rôle que le procès joue et va jouer dans cette perspective pour les victimes et pour la société.
Comment est né ce travail interdisciplinaire autour de la mémoire des attentats ?
Denis Peschanski : L’origine du projet 13-Novembre, c’est l’intuition qu’il est impossible de comprendre pleinement la mémoire collective si on ne prend pas en compte les dynamiques cérébrales de la mémoire, et qu’inversement il est impossible de comprendre pleinement ce qui se passe dans le cerveau si on ne prend pas en compte l’impact du social. D’où cette série d’entretiens, menés en 2016, 2018, 2021 et plus tard en 2026, avec des rescapés, des proches, mais aussi de simples citoyens, pour comprendre la façon dont leur mémoire de l’événement s’est construite et évolue.
Quel était l’objectif de cette étude ?
Francis Eustache : Au cœur de ce travail, il y a notamment la question du stress post-traumatique, une pathologie de la mémoire caractéristique de chocs violents, comme les attentats, mais aussi les accidents, les agressions ou les viols par exemple. Il y a toujours un choc traumatique au moment de l’événement. S’il persiste au-delà d’un mois, c’est-à-dire si la personne continue de recevoir des images intempestives, des odeurs, des sons, qui s’imposent à elle, alors on peut parler de trouble de stress post-traumatique. On peut en guérir au bout de quelques mois, de quelques années, ou ne jamais en guérir, ce qui est plus rare.
Avec ce programme, sans équivalent au monde, nous essayons de comprendre pourquoi certaines personnes, qui ont pu être au même endroit, au Bataclan ou à la terrasse de La Belle Équipe par exemple, ne souffrent pas du même traumatisme, ou pourquoi ils ne s’en remettent pas de la même façon.
Est-ce que l’imagerie cérébrale permet d’observer ce phénomène de résilience ?
Francis Eustache : Non, l’imagerie cérébrale, ce sont des chiffres, des comparaisons entre différents types de situations, de données, etc. Cependant, les différents outils que l’on utilise nous mettent sur la voie de mécanismes, déficients da
« Construire un récit choral, nourri par les mémoires individuelles »
Denis Peschanski
Francis Eustache
L'historien Denis Peschanski et le neuropsychologue Francis Eustache nous expliquent le rôle que le procès joue et va jouer pour les victimes et pour la société.
[Partie civile]
Robert Solé
À l’ouverture du procès hors norme du 13-Novembre, ils étaient déjà 1 800. Par la suite, quelque 700 autres rescapés, blessés ou proches des victimes se sont également constitués partie civile.
Un vaccin antiterrorisme ?
Sandrine Lefranc
Pour la politiste et sociologue Sandrine Lefranc, le procès du 13-Novembre ne devrait pas fondamentalement modifier notre lecture des attentats, faute d’être sorti des analyses caricaturales.