Neuf mois pour renaître
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À procès exceptionnel, verdict exceptionnel. Après neuf mois d’audiences hors norme, les cinq magistrats de la cour d’assises spéciale doivent rendre leur décision contre les vingt personnes (dont six « jugées en absence ») accusées d’avoir participé aux pires attentats commis en France : 131 morts et des blessures par centaines. Quelques mots, comme un couperet, pour dire le droit et la culpabilité au nom du peuple français. Mais de quel secours sera ce verdict face au deuil des victimes ? Apportera-t-il un soulagement, une réparation aux quelque 2 400 parties civiles ? Elles seules le savent, et elles seules peuvent y répondre, comme le fait, avec courage, Antoine Leiris dans ce numéro du 1.
Le 13 novembre 2015, ce journaliste, père d’un enfant de dix-sept mois, a perdu son épouse, Hélène, tombée sous les balles des tueurs du Bataclan. Trois jours plus tard, il publie sur Facebook un texte court mais puissant, poignant, à l’incroyable retentissement. Avec Vous n’aurez pas ma haine, Leiris offre des mots à un pays frappé par le deuil et la sidération. Loin de sombrer dans l’appel à la vengeance, il donne des armes pour faire face à la douleur, pour ne pas se résigner devant les « âmes mortes » de la barbarie. « Nous ne reviendrons jamais à notre vie d’avant, écrira-t-il quelques mois plus tard. Mais nous ne construirons pas une vie contre eux. Nous avancerons dans notre vie à nous. »
« Puisque je ne peux pas déterminer moi-même ce qui est juste, je dois m’en remettre à la justice, accepter qu’elle décide pour moi et peut-être aussi contre moi »
Au cours des sept années écoulées, Antoine Leiris a emprunté le chemin de la reconstruction, dont ce procès est l’une des principales pierres. Comme des centaines de victimes, de proches, il en a suivi les débats, de façon quotidienne. Écouté les témoignages de ceux qui ont été meurtris, dans leur chair ou dans leur âme. Guetté les conclusions des policiers, des experts, chargés de bâtir la vérité judiciaire. Il a, aussi, attendu la parole des accusés, des bourreaux, pour essayer de comprendre – ce qui n’implique pas de pardonner. De cette expérience éprouvante, mais salutaire, il a tiré un texte, à lire et à conserver. Car Chercher une fin n’est pas seulement le récit de ces neuf mois arrachés à la vie, « neuf mois pour renaître », avant même le prononcé du verdict. C’est le témoignage d’un homme qui n’a cessé de vouloir surmonter la haine et le désir de vengeance, pour faire confiance à l’institution judiciaire, malgré ses longueurs, ses lourdeurs, ses procédures. « Puisque je ne peux pas déterminer moi-même ce qui est juste, je dois m’en remettre à la justice, accepter qu’elle décide pour moi et peut-être aussi contre moi. » Ainsi seulement l’ordre bouleversé par la violence peut-il être rétabli, pour les survivants du 13-Novembre comme pour le reste du pays.
« Construire un récit choral, nourri par les mémoires individuelles »
Denis Peschanski
Francis Eustache
L'historien Denis Peschanski et le neuropsychologue Francis Eustache nous expliquent le rôle que le procès joue et va jouer pour les victimes et pour la société.
[Partie civile]
Robert Solé
À l’ouverture du procès hors norme du 13-Novembre, ils étaient déjà 1 800. Par la suite, quelque 700 autres rescapés, blessés ou proches des victimes se sont également constitués partie civile.
Un vaccin antiterrorisme ?
Sandrine Lefranc
Pour la politiste et sociologue Sandrine Lefranc, le procès du 13-Novembre ne devrait pas fondamentalement modifier notre lecture des attentats, faute d’être sorti des analyses caricaturales.