Marioupol n’a pas toujours été Marioupol. « La ville de Marie » s’est appelée Jdanov à partir de 1948, sur ordre de Staline, et n’a retrouvé son nom grec d’origine qu’à la fin de l’ère soviétique, en 1989.

C’était un cadeau posthume : Andreï Aleksandrovitch Jdanov avait déjà quitté ce monde quand sa ville natale a hérité de son patronyme. Le dictateur du Kremlin honorait ainsi le beau-père de sa fille Svetlana, mais surtout l’apparatchik moustachu qui avait grandi dans son ombre et dont la mort, aux causes mal élucidées, lui permettait de dénoncer le prétendu complot des blouses blanches.

À Jdanov, l’humanité reconnaissante doit deux choses : d’une part, la jdanovtchina, à savoir la croisade contre les écrivains et artistes russes coupables de « se courber devant la culture décadente et pestilentielle » de l’Occident ; d’autre part, la définition de la doctrine baptisée « jdanovisme », selon laquelle la planète se partage entre l’impérialisme antidémocratique américain et la grande famille socialiste et antifasciste. Deux réalisations qui ont trouvé une nouvelle actualité avec un ancien du KGB devenu tsar de toutes les Russies.

Marioupol n’est pas un cas particulier. Au XXe siècle, quelque 400 communes russes ont changé de nom pour permettre au pouvoir d’écrire – et le plus souvent de réécrire – l’histoire. N’est-il pas nécessaire de le faire aujourd’hui dans les zones libérées d’Ukraine ? On voit bien qu’un déluge de bombes ne suffit pas à dénazifier ce pays. Même en rasant des quartiers entiers, on n’efface pas la mémoire. De nouvelles appellations y contribueraient. Honneur à l’architecte-urbaniste-paysagiste de cette belle aventure ! Marioupol est morte, vive Poutinograd ! 

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