Paul Gauguin a réalisé une quarantaine d’autoportraits tout au long de sa vie. Il a peint ce tableau entre 1890 et 1891 après son troisième séjour en Bretagne, à la veille de son départ pour Tahiti. Décryptage.

À première vue

Au centre le peintre, le regard grave, est traité dans des tonalités sombres. Manière de surligner son côté « artiste maudit ». En toile de fond, se trouve Le Christ jaune, l’un des tableaux peints en 1889 lors de son séjour breton. L’artiste, qui espérait trouver en Bretagne un nouvel horizon pour renouveler sa pratique, s’inspire du Christ en bois polychrome de la chapelle de Trémalo, en périphérie de Pont-Aven. L’image du tableau a toutefois été inversée par le miroir dont Gauguin s’est servi pour se représenter.

Mais plus encore

Captivé par la tonalité jaune acide du Christ, on ne prête pas suffisamment attention au pot à tabac anthropomorphe situé à la droite du tableau. Ce pot, qu’il a réalisé la même année, témoigne de son goût pour la céramique et les formes vernaculaires. Gauguin se présente en artiste complet, peintre et sculpteur, intéressé par toutes les dimensions de la création. On devine déjà l’appel d’un ailleurs plus lointain. Le Christ jaune et la terre cuite représentent les deux pôles qui l’ont attiré, la Bretagne chrétienne et la Polynésie animiste. Y sont aussi confrontées ses deux inspirations esthétiques, d’un côté le synthétisme, avec ses aplats de couleur cernés, de l’autre le primitivisme.

Encore un petit effort

Contrairement aux apparences, nous n’avons pas à faire à un, mais trois autoportraits de Gauguin. Comme le Christ, auquel il prête ses traits, l’artiste s’est souvent senti incompris. La couleur jaune témoigne à la fois du sacrifice et de la rédemption. Plus torturé, le pot à tabac incarne ses instincts les plus primaires, voire prédateurs, qu’il confirmera à Tahiti et aux Marquises en se liant avec des jeunes femmes fraîchement pubères. 

R.A.

 

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