Journal intime d'Annie Erneaux, février 1998 :  

« Expérience étrange, chez M. Je trouve dans ses étagères l’édition Seghers d’Apollinaire, collection « Poètes d’aujourd’hui », et je relis certains poèmes lus pour la première fois à Ernemont ; « Ô ma jeunesse abandonnée… » et il me semble alors approcher le plus près possible – même déréliction, lumière blanche – de cette année 58-59. Alors c’est donc vrai que notre vie est dans ce qu’on a lu, qu’elle est déposée là. » 

Écrire la vie, Gallimard, « Quarto », 2011 

 

Ô ma jeunesse abandonnée 
Comme une guirlande fanée 
Voici que s’en vient la saison 
Et des dédains et du soupçon 
 
Le paysage est fait de toiles 
Il coule un faux fleuve de sang 
Et sous l’arbre fleuri d’étoiles 
Un clown est l’unique passant 
 
Un froid rayon poudroie et joue 
Sur les décors et sur ta joue 
Un coup de revolver un cri  
Dans l’ombre un portrait a souri 
 
La vitre du cadre est brisée  
Un air qu’on ne peut définir 
Hésite entre son et pensée 
Entre avenir et souvenir 
 
Ô ma jeunesse abandonnée 
Comme une guirlande fanée 
Voici que s’en vient la saison 
Des regrets et de la raison 

Alcools, 1913

Poème choisi par Louis Chevaillier 

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