Le remède et la dose
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En une poignée de minutes, le président de la République a rendu hommage aux hauts fonctionnaires et porté les critiques les plus fermes contre leur mode de recrutement et leur formation. Surtout, il a contesté la gestion des carrières des grands commis de l’État, assurés d’occuper les plus hauts postes tout au long de leur vie professionnelle. « Je souhaite que nous mettions fin aux grands corps », a-t-il déclaré. Les grands corps ? Comprenez l’inspection générale des finances, X-Mines, X-Ponts, etc.
Ce numéro a précisément pour ambition de faire le point sur la haute fonction publique, sur son poids et son pouvoir, et de s’interroger sur le système de formation des élites administratives, politiques et économiques françaises. Un voyage en terre presque inconnue, peuplée par un groupe ultraminoritaire puisque les hauts fonctionnaires ne représentent que 0,4 % de la totalité des agents publics. Dans notre grand entretien, Jean-Michel Eymeri-Douzans apporte nombre de précisions utiles sur le profil sociologique, les rémunérations, la charge de travail et l’influence de cette caste.
Au-delà de ce panorama, nous nous intéressons à l’évolution de la haute fonction publique depuis plus de deux siècles. Ce qui permet au passage de comprendre que la création des grandes écoles et l’instauration des concours d’entrée ont été, en leur temps, vécues comme une avancée démocratique. Soudain, chacun pouvait prétendre, s’il en avait les mérites, accéder à Polytechnique, aux Écoles normales supérieures, à l’École nationale d’administration (ENA) ou à l’École nationale de la magistrature (ENM). Mais trop souvent, le débat passionné et schématique autour des grandes écoles masque la puissance sans faille des grands corps de l’État dont l’emprise sur la décision publique est nettement plus importante. De l’ensemble de ces informations, il ressort que l’intérêt général n’est pas tant de supprimer telle ou telle école, que de remédier à deux maux.
Le premier est celui du pantouflage, qui consiste à quitter le service public pour gagner le privé. Il n’est bien sûr pas interdit de changer de cap professionnel et de vouloir bénéficier d’une meilleure rémunération. Mais trop de conflits d’intérêts affleurent dans ces occasions et montrent que la simple morale n’y trouve pas toujours son compte. Signalons que le passage de la haute fonction publique à un cabinet ministériel puis à la grande industrie semble être une spécialité française. Le second problème est celui du recrutement des grandes écoles. Non seulement il apparaît réservé aux enfants talentueux des classes supérieures, mais aussi très majoritairement au genre masculin. Ni l’ENA ni Polytechnique ne peuvent être tenues pour seules responsables de cette curiosité, mais les chiffres que nous citons dans ce numéro laissent tout de même rêveur.
Il s’agit donc de soigner le mal. Encore faut-il trouver le bon remède et prescrire la juste dose.
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