Il y a peu, les attaques volaient encore très bas. Jean-Luc Mélenchon était accusé de refuser d’« aider les Ukrainiens » et de rompre « avec l’histoire de France » (Anne Hidalgo). De soutenir « toutes les dictatures » du moment qu’elles sont « antiaméricaines » (Yannick Jadot). Quant au leader des Insoumis, il raillait le 30 avril « la gauche de la lose » avant de serrer, le lendemain, la main du patron du PS, Olivier Faure, et de célébrer le 7 mai le caractère « historique » de cette Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes).

La soudaineté des retrouvailles après des années de guerre froide a de quoi surprendre. L’ancien sénateur socialiste, ministre sous Lionel Jospin, a quitté le PS en 2008. À mesure que sa courbe électorale grimpait (de 11,1 % à 21,95 % en dix ans), il s’est isolé du reste de la gauche pour tenter de construire un rapport direct au peuple. Ce retour à une union des gauches méritait explication, c’est l’objet de ce numéro du 1.

Le leader des Insoumis s’est fait joueur de go, avançant ses pions à la vitesse de l’éclair

L’historien Gilles Candar brosse le tableau des divergences (nombreuses) et des rapprochements (rares) dans l’histoire de la gauche. La Nupes lui rappelle le Bloc des gauches du début du xxe siècle pour la liberté parlementaire laissée à chacune de ses composantes, et les prémices du Programme commun pour la maîtrise tactique de François Mitterrand, « le Vieux », comme l’appelait un Mélenchon admiratif. À la différence de 2017 où il avait remâché son amertume quelques semaines, le leader des Insoumis s’est fait joueur de go, avançant ses pions à la vitesse de l’éclair. « Élisez-moi Premier ministre. » La manœuvre est habile : sauver l’existence de ses meilleurs ennemis à gauche pour mieux pérenniser son hégémonie et tenter de devenir la première force d’opposition. Vincent Martigny analyse le pari de Jean-Luc Mélenchon, ce leader mystérieux, à la fois tonitruant et secret.

Mais derrière les jeux de pouvoir se cachent des ressorts plus profonds que nous tentons d’analyser : un désir d’union à gauche qui n’a cessé de progresser sur le terrain malgré les échecs et la zizanie au sommet ; une volonté de radicalité, notamment en matière environnementale, d’une partie de la jeunesse. C’est la force de Jean-Luc Mélenchon d’avoir su capter ce besoin de rénovation idéologique, entre planification écologique et désobéissance européenne. Un corpus qui ne va pas sans contradictions, explique l’essayiste Lucile Schmid. L’opération « 3e tour » réussira-t-elle ? Les scrutins de juin seront-ils une étape de la reconstruction à gauche ? Pour une fois, les législatives ne manquent pas d’enjeux. 

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