La question n’a pas fini de soulever les passions. Pour les uns, il s’agit d’ethnies différentes, les Hutus étant des Bantous venus du Sud et de l’Ouest et les Tutsis des populations originaires de la vallée du Nil. Venus du Nord et de l’Est, les seconds auraient conquis puis opprimé les premiers. Pour les autres, Hutus et Tutsis sont une seule et même ethnie, l’opposition entre les deux groupes ayant été forgée par la colonisation, puis utilisée à des fins politiques depuis le milieu du XXe siècle. 

Ce qui est établi, c’est que tous parlent la même langue, ont les mêmes pratiques religieuses et partagent les mêmes territoires quand, au tournant des XIXe et XXe siècles, les premiers Européens arrivent dans les deux royaumes voisins du Rwanda et du Burundi. Si la monarchie rwandaise est contrôlée par une aristocratie essentiellement tutsie, les groupes hutus, tutsis et twas se répartissent alors entre une vingtaine de clans mêlant ces trois catégories, et tous se disent issus du même ancêtre mythique. Si les Tutsis sont plutôt éleveurs et les Hutus plutôt agriculteurs, les deux activités sont pratiquées sans exclusive – la possession de vaches, symbole fort de richesse aux yeux de tous, est un marqueur social – et on peut, dans certains cas, passer d’une catégorie à l’autre. 

Dans Rwanda, le génocide qu’on aurait pu stopper, le groupe international composé d’éminentes personnalités auquel l’Organisation de l’unité africaine (OUA) avait confié la mission d’enquêter sur le génocide de 1994 précise : « Durant la période coloniale, sous domination allemande et ensuite sous domination belge, les missionnaires catholiques, inspirés par les théories ouvertement racistes de l’Europe du XXe siècle, ont concocté une idéologie destructrice de clivage ethnique et de hiérarchisation raciale qui attribuait des qualités supérieures à la minorité tutsie du pays. […]

« Les prétendues différences entre les groupes ethniques, quoique arbitraires et sans fondement, se sont rapidement ancrées. Les Belges ont rendu les structures complexes du Mwami [roi] plus rigides encore et inflexibles sur le plan ethnique. Ils ont institutionnalisé les clivages et les ont consacrés par la délivrance à chaque Rwandais d’une carte d’identité ethnique. Ce système de cartes a été maintenu pendant plus de soixante ans jusqu’à devenir, par une tragique ironie du sort, l’instrument qui a permis aux tueurs hutus d’identifier, pendant le génocide, les Tutsis qui en avaient été les premiers bénéficiaires. » 

Vous avez aimé ? Partagez-le !