Le service public est devenu l’objet d’une querelle théologique. Les uns assurent que le gouvernement est décidé à le brader ; les autres qu’il est urgent de le réformer pour le sauver. Deux camps apparemment irréconciliables. Cela vaut bien un numéro du 1 pour essayer de comprendre de quoi il est question, sur fond de conflit social à la SNCF. Car le service public, contrairement à ce qu’on pourrait penser, est une notion récente qui échappe à toute définition simple. Essayons cependant de dégager trois points saillants.

Tout d’abord, le service public assure une protection aux citoyens. Ce concept, élaboré au début du XXe siècle, s’est progressivement concrétisé dans les politiques publiques au fil des décennies. Il a véritablement conquis les cœurs avec l’instauration de la Sécurité sociale au lendemain de la Libération. L’expression d’État-providence résume à elle seule cette évolution majeure de nos sociétés, pour lesquelles la solidarité est alors devenue centrale. 

Ensuite, le service public correspond à des missions d’intérêt général. Il existe un large consensus pour reconnaître que la sécurité intérieure et extérieure du pays, la justice, la santé ou l’éducation en font partie. Mais le service public déborde de ce pré carré et intègre les transports, la poste, l’approvisionnement en eau potable, les grandes institutions culturelles, etc. Ces missions, indispensables dans une société développée, ne sont pas forcément remplies par l’État. C’est même le propre d’un service public que de pouvoir être rendu par un organisme public ou privé. Aux trois grandes fonctions publiques (d’État, hospitalière, territoriale) se greffe donc un secteur public essentiel, vital pour chacun d’entre nous, et qui ne relève ni totalement de l’État ni totalement du privé. Au service de tous, il est l’expression de notre intelligence collective. 

Enfin, le service public est inextricablement lié à notre histoire. Qu’il s’agisse de la création d’une école laïque, gratuite et obligatoire dans les années 1880, de la nationalisation des chemins de fer lors du Front populaire ou de la naissance de la Sécurité sociale à la Libération, à chaque fois une majorité de citoyens a ressenti l’événement comme un acquis social précieux. Au-delà des faits, cette histoire charrie des symboles et des émotions collectives. Si bien que le service public a fini par être considéré comme un socle de la République, voire son « écosystème » selon l’expression de l’historien Jean Garrigues. 

Cela n’interdit aucune réforme, mais demande des précautions. 

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