Sauver le service public en danger ou le réformer au nom du bon sens : la pièce qui se joue ces jours-ci est un marronnier de la vie politique française. Ses acteurs reprennent une partition dont les arguments semblent se répéter à l’infini, de conflits sociaux en projets gouvernementaux de transformation du service public. Des plateaux des chaînes d’information en continu jusque dans les repas de famille dominicaux, les thuriféraires du service public affrontent les tenants (toujours plus nombreux) de la maîtrise des dépenses et d’une efficacité renforcée de l’action de l’État. Au-delà de la confrontation entre la réduction des déficits et la défense de statuts, pourquoi la notion de service public génère-t-elle de pareilles passions ?

Projet historique, symbole républicain et enjeu identitaire figé dans le marbre du droit, la notion de service public plonge au cœur de l’imaginaire politique français. Elle est historiquement le produit de la rencontre entre la construction de l’État, qui dès l’Ancien Régime définit un « bien commun » que le roi était chargé de défendre, et les événements de la Révolution française d’où émerge le concept d’intérêt général. L’irruption du peuple dans l’espace de la souveraineté impose alors l’idée, encore embryonnaire, que la puissance publique doit se mettre au service des citoyens, et non l’inverse. 

Mais c’est avec la IIIe République, à la fin du xixe siècle, que la notion prend son sens contemporain et que l’État va être amené à s’engager beaucoup plus activement dans la vie sociale. Jacques Chevallier, professeur de droit et auteur de nombreux ouvrages sur le service public, analyse ce tournant comme la convergence « de contraintes diverses ». Elles sont pour lui économiques (l’industrialisation et la concentration des moyens de production), sociales (la paupérisation et l’apparition de besoins nouveaux) et politiques (le modèle républicain et le progrès de l’idée de justice sociale). Dès lors, l’État ne se cantonne plus aux seules prérogatives de la puissance et de la souveraineté, il devient un prestataire de services en vue de satisfaire les besoins du public : « Il n’hésite plus à se jeter dans l’arène et à intervenir activement dans le jeu social. » 

Cette évolution se manifeste à travers les lois scolaires de 1882 qui instaurent l’école publique, gratuite et obligatoire, mais aussi via la multiplication des équipements publics et les premiers dispositifs d’assistance publics pour les ouvriers. Plus qu’une simple évolution pragmatique des missions de l’État, l’« école du service public », qui &eacut

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