Wisława Szymborska n’aimait pas la publicité autour de son prix Nobel de littérature 1996. La poétesse polonaise préférait creuser ces quelques mots aux ailes puissantes : Je ne sais pas. À la culture de la norme et du zapping, elle oppose la lecture qui nous invite à nous étonner de tout et de tous.

 

Pour le Proust, à la librairie,
te donnent pas de télécommande
pas moyen de zapper
pour un match de football
ou un jeu où on gagne des Volvo.

Nous vivons plus longtemps,
mais moins scrupuleusement,
et en phrases beaucoup plus courtes.

Nous voyageons plus vite, plus souvent, et plus loin,
et rentrons sans souvenirs, mais avec cartes mémoire.
C’est moi avec un mec.
Là c’est mon ex je crois.
Et là tout le monde à poil,
donc à la plage, mais où.

Sept volumes, pitié.
Y a pas ça en plus court ?
Ou alors, encore mieux, en images ?
Y avait à la télé un truc, Marius, Fanny…
Mais ma belle-sœur me dit que c’est un autre Marcel P.

Et d’ailleurs, entre nous, c’est qui, votre Marcel.
Il a passé sa vie au lit, à gribouiller.
Une feuille après l’autre,
à pied, clopin-clopant.
Et nous, en cinquième vitesse,
touchons du bois, bien portants.

De la mort sans exagérer. Poèmes 1957-2009, traduit du polonais par Piotr Kaminski
© The Wisława Szymborska Foundation, www.szymborska.org.plµ
© Éditions Gallimard, 2018

 

 

Vous avez aimé ? Partagez-le !