C’est un homme double qui écrit La Méthode, par projection démesurée de ses appétits ou de ses conflits. Un double qui cheminait depuis L’Homme et la Mort (1951), où Homo sapiens apparaît à la fois demens ; depuis la guerre aussi où Edgar Nahoum se dédoublait en Morin. Les titres siamois de La Méthode, dont le projet culmine dans « La Connaissance de la connaissance », affirment un impératif de réflexivité ou d’une certaine re-connaissance, d’une Science avec conscience (1982). Comment connaître sans remonter aux conditions (biologiques, psychologiques, sociales, culturelles, linguistiques…) de notre appareil cognitif ? Comment examiner le moindre objet sans scruter, par double pilotage, le sujet de l’étude ?

Nous entrons dans La Méthode (six volumes, 1977-2004) par une gravure d’Escher qui ouvre le tome 1, « La Nature de la nature », non sans vertige. Cette main dessinant la main qui la dessine ne montre pas seulement un feed-back (où l’effet informe sa cause, comme dans le thermostat), mais une récursion (où l’énergie du processus revient sur elle-même, comme dans « l’exemple si pur du tourbillon »). La mise en boucle (en cycles), l’en-cyclo-pédie et la vertu des cercles donnent à La Méthode son modèle, nous rappelant aussi que chercher (ricercare) c’est tourner en rond. Plus tard, Morin déclarera (autre tourbillon passant de Rabelais à Montaigne) : « Je n’ai pas plus fait mon livre, que mon livre ne m’a fait. »

Méthode nomme donc un chemin où les concepts s’enchaînent comme à l’état naissant ; une école de la recherche, écologie aussi de nos modèles de pensée. La raison y bouillonne hors de sa n

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