Une bataille n’est jamais perdue avant d’être livrée. Mais, depuis le 30 juin au soir, le Rassemblement national est devenu le premier parti de France. Et la seule véritable incertitude est de savoir si la majorité qu’il aura au second tour sera absolue ou « seulement » relative. Écrire ces mots provoque un mélange de colère et d’abattement. Colère d’en être arrivé là comme on s’éveille d’un cauchemar sans en sortir. Colère devant un choix présidentiel mû par l’orgueil. Abattement devant la nuit démocratique qui tombe sur la France.  

Quelle force aujourd’hui est capable de nous délivrer d’une extrême droite désirée par un peuple de sans-voix qui, cette fois, veut se faire entendre comme jamais ? Entre une gauche sans chance réelle de l’emporter – malgré les appels au désistement de Jean-Luc Mélenchon et de Gabriel Attal –, une partie de la droite républicaine tentée par l’extrême droite, et un bloc macronien en décomposition, le pouvoir est bel et bien en miettes, et le RN prêt à rafler la mise.

Il faut agir, c’est-à-dire choisir.

Ce serait une fois de plus être aveugle et sourd que de rejeter les électeurs du RN dans les schèmes du fascisme. Les Français qui l’ont placé si haut ne mesurent sans doute ni les déconvenues auxquelles ils s’exposent ni les dangers bien réels pour notre pays, tant dans sa cohésion sociale que dans sa santé économique, sa diversité culturelle ou son rang parmi les grandes puissances. Mais, à ce moment de notre vie politique, le désarroi des plus fragiles est si grand que tenter cette aventure est pour nombre d’entre eux la dernière carte à abattre pour qu’ils se sentent enfin considérés par les dirigeants du pays. Et il faudra bien plus d’une semaine pour reconstruire une alternative crédible et désirable. 

Deux France sont apparues ce 30 juin. L’une qui persiste à croire aux valeurs universelles, à l’entraide, au respect d’autrui, à la possibilité du progrès, à la démocratie et au jeu républicain. Et une autre qui désespère. Celle des laissés-pour-compte – ou qui se vivent comme tels – qui croient trouver leur salut dans le repli sur soi et dans l’affirmation d’une identité nationale racornie. C’est leur France qui a gagné au premier tour, et qui veut l’emporter plus nettement encore le 7 juillet. Une France qui demande de l’ordre et du respect quand elle n’a reçu du pouvoir en place, année après année, que dédain et leçons cassantes venues d’en haut.

Il n’est plus temps d’épiloguer sur la décision du chef de l’État. Il faut agir, c’est-à-dire choisir. Dans la hiérarchie des périls, le RN monte sur la plus haute marche. Et après le 7 juillet, il sera trop tard pour le déloger. Alors c’est maintenant qu’il faut dire non. Branle-bas de combat pour les républicains de tous horizons. Il y a le feu. La flamme du RN brûle sous nos yeux, sinistre trompe-l’œil de la fête olympique aux allures de défaite annoncée. 

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