– Détendez-vous, monsieur Bardella. Vous serez peut-être mieux allongé sur le divan. Nous reviendrons sur ce cauchemar récurrent, mais dites-moi d’abord ce qui vous angoisse.

– Tout allait bien, docteur, jusqu’au début de cette soirée électorale. Notre score éclatant… Les militants qui n’arrêtaient pas de scander mon nom… J’avais l’impression d’atteindre le sommet. Tout juste étais-je un peu inquiet de faire trop d’ombre à Marine.

– La peur de tuer le père… enfin la mère. C’est normal.

– Mais, à 21 heures, quand la dissolution de l’Assemblée a été annoncée, tout a commencé à se dérégler. 

– Vous la réclamiez, pourtant, cette dissolution. 

– Pour la forme. Nous savions ne pas être prêts à exercer le pouvoir. Et voilà qu’il nous tombait dessus ! Il a fallu d’urgence réajuster nos promesses. Chaque jour, dans les fiches que me fournissent nos experts, je suis amené à renoncer à une ligne de notre programme ou à la vider de son contenu. Encore heureux que la campagne pour les législatives ait été très courte ! Imaginez un peu si elle avait duré deux ou trois mois : à raison d’un rétropédalage par jour, j’en serais arrivé à paraphraser Lutte ouvrière !

– Monsieur Bardella, je voudrais que vous reveniez sur ce cauchemar récurrent. Que se passe-t-il exactement dans votre rêve ?

– C’est simple. Je suis à vélo sur une route en lacets. J’essaie de grimper, mais je pédale à l’envers, et mon engin m’entraîne irrésistiblement vers le bas.

– Ce que vous dites me fait penser à une belle remarque d’André Gide, que je vous laisse méditer : « Il est bon de suivre sa pente, pourvu que ce soit en montant. »

– Vous m’embrouillez, docteur. C’est déjà assez compliqué comme ça ! Et vous croyez vraiment qu’avec des propos aussi tordus je vais obtenir le plus de vues, les meilleures durées de visionnage et les taux d’engagement les plus élevés sur TikTok ? 

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