En 2002, Harvey Weinstein triomphait en produisant le film Confessions d’un homme dangereux, avec Julia Roberts et George Clooney. Quinze ans plus tard, les accusations de viols et d’agressions sexuelles formulées par plus de quatre-vingts femmes ont fini par mettre à jour les agissements les plus sordides du « Pig ». Mais le plus spectaculaire, dans l’affaire Weinstein, n’est pas la chute d’un grand nabab de Hollywood. C’est la libération de la parole de millions de femmes – et d’hommes – à travers le monde, décidés à enfin mettre un terme au harcèlement et aux violences subies dans la rue, au travail, dans les transports publics, et jusqu’au sein du domicile conjugal. 

L’année 2017 aura été, à ce titre, celle du grand déballage. Si les frasques hôtelières d’un DSK avaient pu être réduites au problème de la libido exacerbée d’une poignée de notables, il n’est plus, cette fois, possible de fermer les yeux sur la situation. Les scandales Tariq Ramadan et Kevin Spacey ont succédé aux affaires Denis Baupin et Flavie Flament. Et selon une étude menée par La Netscouade et Visibrain, le hashtag « #balancetonporc » a été repris plus d’un demi-million de fois sur les réseaux sociaux francophones au cours du mois écoulé. Car c’est là aussi la singularité de ce qui se passe cet automne : si les noms de nombreuses personnalités font tristement la une des médias, la campagne actuelle ne saurait se résumer à une simple chasse à l’homme. Elle est la dénonciation d’un système beaucoup plus vaste, gangrené par la prédation, le sexisme et l’intimidation. Partis politiques, institutions religieuses, hôpitaux, organisations syndicales, rédactions de grands médias : aucune structure ne semble épargnée par ce fléau, et chaque nouvelle révélation résonne désormais comme un terrible « moi aussi », chargé de larmes et de honte.

En brisant l’omerta sur les violences sexuelles, les victimes ont jeté une lumière crue sur un modèle de domination masculine empreint de machisme et de fantasme de toute-puissance. Un modèle hégémonique qui relègue encore trop souvent les femmes à une position de faiblesse et de vulnérabilité, sans pour autant pleinement profiter aux hommes, prisonniers de ce carcan viril qui produit violence, mal-être et autodestruction. La journée contre les violences faites aux femmes, ce 25 novembre, tombe à point nommé pour relancer le débat et exiger des pouvoirs publics qu’ils prennent la mesure des souffrances endurées par tant de femmes et d’hommes. L’allongement de la durée de prescription des viols de 20 à 30 ans va dans la bonne direction, mais ce n’est qu’un petit pas. Surtout, la réponse publique ne peut se limiter à la menace pénale et doit s’accompagner d’une réflexion profonde sur l’égalité hommes-femmes et l’éducation donnée à nos enfants. Le défi est à la taille de l’enjeu. Car l’inaction ne ferait qu’envoyer à la population un signal déplorable. Comme si, malgré les affaires et les scandales, tout ne pouvait décidément aller que de mâle en pis. 

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