L’éthique et le droit constituent un couple à la fois ancien et étonnamment moderne, dont les rapports évoluent de façon marquante et singulière dans le champ de la bioéthique. Si l’éthique se définit comme la science du questionnement et du doute, le droit est l’ensemble des règles qui, à un moment et dans un État, gouvernent tant le statut des personnes et des biens que les rapports sociaux. Or, depuis les lois bioéthiques de 2004, le poids respectif de l’éthique et du droit s’est renforcé et leurs liens resserrés, faisant d’eux un couple indépendant et indissociable.

Un couple indépendant. – L’éthique est avant tout une recherche constante de sens. Précieuse science de « l’éclairage », elle dessine jalons et repères, sans être une science de réponses. Elle n’est pas une norme et les dilemmes éthiques ne se résolvent pas forcément dans la loi. Quel embarras ! L’éthique ne tranche pas et risque d’apparaître en demi-teinte. C’est pourtant sa richesse, entre recherche d’un équilibre et croisement de regards pluridisciplinaires face aux dissensus les plus profonds. Ce couple n’est pas à l’abri de querelles, lorsque l’éthique questionne une « éthique de désobéissance à la loi », quand la « visée juste » de Paul Ricœur ne paraît pas atteinte.

Inversement, le droit conserve aussi jalousement sa part d’indépendance. Dans le processus de révision de la loi bioéthique, les parlementaires ne sont pas tenus par les avis du CCNE, par nature consultatifs. De même, de grandes institutions tels le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation ou le Conseil d’État, demeurent totalement maîtres de solliciter ou pas le CCNE dans leurs travaux ou de raisonner d’un strict point de vue juridique. Pourtant, certaines problématiques juridiques sont incontestablement empreintes d’une part de questionnement éthique. Enfin, en régulant le fonctionnement de la société, le droit pose des limites qui questionnent la dimension éthique de la loi, telles les règles posées à l’accessibilité aux soins des migrants.

Un couple indissociable. – Pourtant l’éthique et le droit n’en sont pas moins étroitement liés. L’éthique n’est pas une norme, mais doit être encadrée. Ainsi, une structuration minimale de la démarche de réflexion éthique est nécessaire à son effectivité dans les hôpitaux ou les Ehpad notamment. L’éthique est animée et traversée par le droit, à l’exemple des débats au sein du CCNE qui mettent en exergue les droits fondamentaux et libertés individuelles des personnes, sans paradoxalement toujours les formaliser comme tels. Cela montre à quel point la réflexion éthique est habitée par le droit. Réciproquement, l’éthique, aiguillon du droit, avec la force croissante de la parole citoyenne, le remodèle, le canalise ou repousse ses limites face à l’évolution des attentes sociétales, l’amenant par exemple à redéfinir les règles de filiation. Ces rapports de liberté et d’attachement ancrent leur relation dans la durée, et font que l’éthique demeure un guide, une vigie pour le droit. Faisons place à l’éthique, car en donnant sens à la loi, elle nourrit l’esprit de la loi. En prenant le pouls de la société, elle construit le droit de demain. 

 

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