Attendu – ou redouté – depuis des mois, le projet de loi sur la fin de vie doit être présenté cet automne au Parlement, promettant déjà des débats acharnés : faut-il ouvrir le droit à une « mort choisie » à tous ceux qui la réclament ? Limiter l’aide active à mourir aux personnes atteintes de maladies incurables et au pronostic vital déjà engagé ? Conserver la loi Claeys-Leonetti telle quelle, mais en développant par ailleurs les services de soins palliatifs ? Autant d’interrogations qui peuvent conduire à un « vertige éthique », selon les mots d’Emmanuel Macron, encouragé à légiférer par les récents travaux de la Convention citoyenne sur la fin de vie.

Ces débats n’ont, évidemment, rien d’inédit. Il y a huit ans, le 1 avait déjà consacré un numéro à cette réforme de société majeure, invitant ses lecteurs à un « Voyage au bout de la vie ». Mais depuis, le contexte a évolué, avec la légalisation de l’euthanasie ou du suicide assisté chez quelques-uns de nos voisins européens. Et les attentes se sont déplacées, pour une demande toujours plus forte d’autonomie et de liberté. 70 % des Français sont désormais favorables à l’instauration d’une aide active à mourir, un soutien plus marqué encore chez les personnes âgées, les classes supérieures ou les athées.

Nos morts nous accompagnent chaque jour, présences douloureuses ou réconfortantes

Au-delà des clivages sociologiques et religieux, la nature des débats autour de la fin de vie traduit surtout les mutations de notre propre rapport à la mort, avec ce qu’elles ont de paradoxal. D’un côté, la Camarde n’a jamais été aussi absente de notre quotidien, tenue à l’écart dans des lieux dédiés ou maquillée par un langage choisi. De l’autre, nos morts nous accompagnent chaque jour, présences douloureuses ou réconfortantes, sans que l’on sache toujours comment leur faire une place. Dans ce numéro du 1, nous explorons justement cette tension existentielle, pour mieux comprendre comment vivre avec la mort. Car si celle-ci reste la plus tragique des énigmes, un horizon unique et inchangé depuis la nuit des temps, notre attitude à son égard a largement évolué. L’historienne de la médecine Anne Carol retrace ainsi la façon dont les progrès de la science ont peu à peu rendu la mort à la fois plus lointaine et plus insupportable. Un constat partagé par la rabbin Delphine Horvilleur, qui évoque la douleur solitaire du deuil dans une société désertée par les rites et incapable d’accompagner les survivants. Ce sera, là aussi, l’un des enjeux des semaines à venir. Les débats autour du prochain projet de loi ne mettront évidemment pas fin à la douleur d’un décès. Mais ils auront au moins le mérite de sortir de l’ombre ce sujet, somme toute vital. 

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