Le 31 décembre 2022, au crépuscule d’une année marquée par la sécheresse, les incendies et les vagues de chaleur, Emmanuel Macron avait lancé benoîtement dans ses vœux aux Français : « Qui aurait pu prédire la crise climatique dans notre pays ? » Comme si les dégâts observés n’avaient jamais été annoncés, depuis des dizaines d’années, par les scientifiques du Giec notamment. Comme si les calamités tombaient du ciel sans crier gare, comme autant de fruits d’un malheureux hasard. La phrase avait logiquement fait tiquer, mais elle était somme toute représentative de l’état de sidération dans lequel nous sommes plongés face aux chocs des dernières années. Comment vivre dans un monde déréglé et dont on ne semble plus rien pouvoir prévoir, sinon qu’il sera de plus en plus imprévisible ?

Les inondations qui ont touché la province de Valence, en Espagne, et ont fait plus de 300 morts et disparus les 29 et 30 octobre, en sont hélas une nouvelle illustration. À l’origine de ce drame, il y a un phénomène prévisible, la « goutte froide », fréquente en automne en Méditerranée. Mais son intensité a été largement renforcée par le changement climatique, rendant les pluies bien plus fortes que d’habitude, jusqu’à l’équivalent d’une année de précipitations en quelques heures. Or celles-ci sont tombées sur une région où l’artificialisation des sols a été poussée jusqu’à construire dans des zones inondables et d’anciens lits de rivière, particulièrement vulnérables. Un cocktail propice, donc, à la catastrophe, si rien n’est fait pour la préparer.

Alors que la COP29 vient de s’ouvrir à Bakou, pour confirmer les engagements pris lors de l’accord de Paris, la perspective d’un réchauffement climatique limité à 1,5 degré paraît de plus en plus illusoire et, avec elle, le rêve d’un monde encore sous contrôle. Et ce n’est pas le retour à la Maison-Blanche de Donald Trump, climatosceptique en chef, qui risque de tempérer l’atmosphère politique actuelle… Doit-on, dès lors, se résoudre à un monde chaotique, avec des limites planétaires explosées et de l’incertitude à tous les étages ? En France, le ministère de la Transition écologique a récemment élargi son intitulé à la « prévention des risques ». Mais c’est bien le seul ajout prévu à un portefeuille dont de nombreux crédits promettent d’être rabotés par le gouvernement. Dans son essai Le Syndrome de l’autruche, paru outre-Manche en 2014, le militant écologiste George Marshall se demandait pourquoi nous n’agissons pas, même quand nous sommes conscients des menaces à venir. Ce sera l’un des enjeux clés de notre époque : savoir tenir compte des prédictions des cassandres, pour ne pas être les jouets de la seule fatalité. 

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