1. Pois chiches et lentilles

Atouts pour la France de demain

Comme toutes les légumineuses, ils ont la capacité de capter l’azote de l’air et de le rendre disponible pour la plante, mais aussi pour les cultures suivantes, en le piégeant en partie dans le sol. Cela permet d’éviter l’utilisation d’engrais azotés de synthèse.

La lentille se cultive dans presque toute la France. Le pois chiche est, lui, une plante méditerranéenne. « Avec le changement climatique, leurs aires de production vont sans doute s’étendre progressivement vers le nord et dans l’Est », note Christophe Vogrincic, membre de l’institut Terres Inovia et l’un des initiateurs de Fileg, la filière des légumineuses à graines d’Occitanie.

Intérêt alimentaire

Riches en protéines végétales – 20 % environ sur produit sec –, ils offrent une alternative aux protéines animales, surtout s’ils sont associés à une céréale au cours du repas. Les mélanges suivants apportent ainsi autant de protéines que 100 g de viande : 190 g de lentilles cuites + 200 g de riz cuit / 300 g de semoule cuite + 150 g de pois chiches cuits.

Riches en amidon – donc durablement rassasiants – ainsi qu’en fibres et en fer.

Limites

Des rendements sensibles aux étés chauds ou aux gelées tardives, ainsi qu’à divers insectes.

Les lentilles sont sujettes à la verse : la plante se couche lorsqu’il pleut ou vente trop, ce qui complique la récolte. « Cela illustre le manque de robustesse des variétés actuellement sur le marché. Il faut investir des moyens massifs pour la sélection et l’amélioration génétique des légumes secs », plaide Christophe Vogrincic.

Les bienfaits des légumineuses sont encore mal connus en France, comme les recettes pour les préparer.

 

2. Blés de variétés paysannes

Cultivés et sélectionnés de façon artisanale depuis des siècles, ils possèdent une grande diversité génétique. Ils sont semés et récoltés en mélange sur la même parcelle.

Atouts pour la France de demain

Nécessitent moins d’engrais et de pesticides.

Supportent mieux les stress comme la sécheresse. « Contrairement aux variétés modernes, ils ont été sélectionnés quand les intrants chimiques n’existaient pas. En cas de sol pauvre en azote ou de stress hydrique [manque d’eau, NDLR], ils s’en sortent mieux », explique Marie-Hélène Robin, de l’école d’ingénieurs de Purpan/Inrae. Leur diversité leur confère également une plus grande résistance : « Sur une parcelle de variété moderne, les blés sont des clones. Si une maladie ou un ravageur survient, les plants sont tous affectés de la même façon. Avec des blés paysans, on partage les risques. »

Plus hauts (jusqu’à 1,7 m), ils sont moins concurrencés par les adventices (ce qu’on appelle dans le langage courant les « mauvaises herbes ») et moins sujets aux maladies qui touchent les blés courts, comme la fusariose de l’épi.

Fournissent beaucoup de paille.

Intérêt alimentaire

Peuvent contenir jusqu’à 15 % de protéines, soit plus que les blés modernes.

Arômes plus prononcés et complexes avec, par exemple, un goût de noisette.

Pourraient, selon des recherches en cours, être plus digestes pour les personnes sensibles au gluten.

Limites

Moins productifs et plus susceptibles de verser en cas d’orage ou de vent, ils produisent moitié moins de grains que les variétés modernes. « Si on veut augmenter ces cultures qui nécessitent moins de chimie, il faut libérer des terres, par exemple en diminuant la surface agricole consacrée à l’élevage », indique Marie-Hélène Robin.

Le réseau de gluten, moins « résistant » au pétrissage, ne se prête pas à la panification industrielle.

Coût

Les pains de blé paysan se vendent à partir de 5 euros le kilo, un peu plus que le prix d’une baguette (1 euro pour 250 g). « La différence, c’est qu’ils se conservent mieux et sont plus rassasiants. Vous n’en jetez pas une miette », précise la scientifique.

 

3. Maïs Grand Roux du Pays basque

Ce maïs cultivé au Pays basque depuis le XVIIe siècle avait quasiment disparu, jusqu’à ce qu’un agriculteur en retrouve des graines dans un couvent, dans les années 1990.

La France pourrait multiplier ce genre de cultures adaptées à un terroir particulier.

Atouts pour la France de demain

Ne nécessite pas d’irrigation dans le Pays basque, où il fait à la fois chaud et humide. « Le maïs moderne a été étendu à d’autres régions, mais il n’y trouve pas assez d’eau, ce qui nécessite souvent d’irriguer », indique Philippe Pointereau, de Solagro.

Bonne résistance naturelle grâce à sa diversité génétique. En témoignent les couleurs des grains, du jaune au bordeaux.

« Tous les ans, les paysans sélectionnaient les semences des épis qui avaient le plus de goût et de rendement. On bénéficie de ce travail de sélection empirique », décrit Jon Harlouchet, de l’association Arto Gorria.

Peut être resemé d’une année sur l’autre, contrairement aux semences hybrides vendues par les semenciers.

Peut être cultivé avec d’autres végétaux sur la même parcelle, par exemple des haricots.

Sert de fourrage aux animaux.

Intérêt alimentaire

Permet de produire de la polenta, de la bihia (sorte de semoule) et une farine appréciée notamment par certains chefs étoilés, au point que la production vient à manquer et que l’association Arto Gorria mobilise d’autres cultivateurs pour produire du Grand Roux.

« Il faut aller vers une alimentation moins carnée. Entretenir une diversité dans les céréales, avec du goût, représente un enjeu pour l’avenir », assure Jon Harlouchet.

Limites

Des rendements légèrement inférieurs à un maïs moderne. Sélection en cours pour favoriser des tiges plus courtes, et donc une meilleure résistance au vent, afin que le maïs ne se couche pas.

 

4. Sorgho (sorghum bicolor)

Céréale proche du maïs, cultivée surtout aux États-Unis, au Nigeria et en Éthiopie.

Atouts pour la France de demain

Tolère mieux les fortes chaleurs (avec une température optimale de croissance à 35 °C environ).

Un système racinaire profond, donc plus résistant à la sécheresse que, par exemple, les variétés actuelles de maïs. En France, il est cultivé sur 87 000 hectares, surtout en Occitanie, en Nouvelle-Aquitaine et en Centre-Val de Loire. « La zone optimale de production du sorgho est en train de s’étendre vers le nord. Il va donc devenir de plus en plus rentable, au détriment d’autres cultures dont les zones optimales vont reculer », exposait sur Arte Serge Zaka, chercheur en agroclimatologie, le 3 août 2022.

à ce jour, demande moins d’engrais et de pesticides que le maïs.

Intérêt alimentaire

Une céréale sans gluten (comme le maïs ou le riz) et riche en protéines.

Des farines pouvant servir à faire des pâtes et des galettes type tortillas, voire du pain en les mélangeant à de la farine de blé, mais aussi des biscuits secs, de la bière, des barres de céréales, du whisky… et même du « popcorn » de sorgho !

Limites

Un rendement moyen de 60 quintaux par hectare, contre 110 pour le maïs. « Mais en cas de déficit hydrique (manque d’eau) et de fortes températures, le sorgho peut devenir plus pertinent d’un point de vue économique », précise David Pot, coanimateur de la filière sorgho au sein du Cirad. Sans compter les atouts pour le système agricole global (moins d’intrants, atténuation du changement climatique, etc.).

Plante un peu frileuse qui a besoin d’un sol à 10-11 °C au minimum.

Une céréale peu connue du grand public et des industries agroalimentaires. Moins rentable également pour le système agro-industriel puisque, contrairement au maïs, le sorgho n’entraîne pas de ventes de produits chimiques de synthèse ni d’équipements d’irrigation.

 

5. Pleurotes

Différentes espèces (gris, rose, jaune, ostreatus ou du panicaut) au fil des saisons.

Atouts pour la France de demain

Se cultivent hors sol, au frais et dans l’obscurité. Ces champignons peuvent donc pousser en agriculture urbaine, dans des lieux artificialisés comme d’anciens parkings souterrains, des hangars ou des bâtiments d’élevage, des containers… L’eau de pluie récupérée peut aussi être mise à profit.

Valorisent les déchets organiques en poussant sur de la paille, de la sciure de bois ou encore, outre-mer, des résidus de canne à sucre. « J’utilise aussi de la drêche de bière, du marc de café, du son de blé ou des coques de graines de chanvre », décrit Marie-Anne Saint-Dizier, micycultrice dans les Côtes-d’Armor.

En alternant les espèces, possibilité de produire toute l’année.

 Intérêt alimentaire

Peu caloriques, mais riches en fibres alimentaires, en vitamines B et D, minéraux et oligoéléments. 100 g de pleurotes apportent par exemple 24 % des apports journaliers recommandés en cuivre, 17 % de ceux en phosphore et 8 % de ceux en fer.

Contiennent 3 % de protéines, environ trois fois plus que la plupart des légumes.

Rendement de référence

20 % du poids du substrat – il faut ainsi 15 kg de substrat pour 3 kg de champignons.

Coût

Variable selon les saisons et les régions. Marie-Anne Saint-Dizier vend ses pleurotes bio 13 euros le kilo sur les marchés : « J’ai pris le parti de fixer un prix qui me rémunère, mais soit abordable pour les clients. »

 

6. Algue dulse (Palmaria palmata)

Principale zone de production : la Bretagne, mais d’autres régions prennent des arrêtés pour la récolter.

Atouts pour la France de demain

Pousse en dehors de la surface agricole, sans usage d’eau douce et sans intrants chimiques.

Intérêt alimentaire

Riche en protéines – 17 % pour l’algue déshydratée –, en fibres (30 %), en minéraux ainsi qu’en vitamine K et B9 (folates). « Les algues sont une excellente source d’antioxydants », note le rapport The Future 50 Foods.

« Consommée crue, elle a une saveur assez douce, iodée, avec des notes de noisette. À la cuisson, elle développe des goûts plus affirmés, avec des notes douces et suaves liées à l’univers des coquillages et des crustacés », décrit le Ceva (Centre d’études et de valorisation des algues). Ses usages : dans une salade de crudités pour y apporter du goût et de la couleur, en paillettes sur le riz, le poisson ou les pommes de terre, en omelette ou dans une poêlée de légumes. Existe aussi en tartinables.

Limites

« La récolte sauvage est plafonnée pour ne pas affecter les écosystèmes. Un des enjeux va être d’en cultiver : soit sur terre dans des bassins, soit en mer en ensemençant des cordes », expose Ronan Pierre, du Ceva. Un nouvel enjeu apparaît alors : l’accès à l’espace maritime, déjà bien occupé par la plaisance, la pêche ou la production de coquillages.

Les algues doivent respecter des recommandations en matière de concentrations en métaux lourds et en iode.

Prix

15 à 25 euros le kilo pour l’algue fraîche salée au détail, 40 à 80 euros si elle est séchée. « Il faut optimiser les coûts de production, notamment en culture, pour trouver un compromis entre le prix de vente et le revenu du producteur », note Ronan Pierre.

ILLUSTRATIONS CLAIRE MARTHA

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