« Qu’ai-je donc avalé ? / Des mensonges et des sourires », affirme Sylvia Plath dans Le Geôlier. Alors en instance de divorce, la poétesse livre un réquisitoire contre la domination masculine dans le foyer. Jamais on n’avait encore dénoncé avec une telle colère l’appétit de destruction des hommes… « Je meurs de diverses façons – / Pendue, affamée, brûlée, ferrée ». 

Les suées de mes nuits graillonnent l’assiette
[qu’il me porte.
Au menu, le même décor de brouillard bleu planté
Avec les mêmes arbres, les mêmes pierres tombales.
C’est donc tout ce qu’il a à proposer,
Ce bruiteur de clefs ?
J’ai été droguée puis violée.
Sept heures durant assommée,
Plongée dans un sac noir
Où je repose, fœtus ou chat,
Instrument de ses éjaculations nocturnes. (...)
Je l’imagine
Impuissant comme le tonnerre lointain,
Dans l’ombre duquel j’ai mangé ma ration fantôme.
Je souhaite sa mort ou son départ.
Mais cela, semble-t-il, est inimaginable. 
Cette libération. Que ferait l’obscurité
Sans fièvres dont se repaître ?
Que ferait la lumière
Sans yeux à poignarder, que ferait-il
Sans moi, sans moi, sans moi.

Traduit de l’anglais par Valérie Rouzeau dans Sylvia Plath, Œuvres, « Quarto », Gallimard, 2011
© Éditions Gallimard

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