Deux Taureaux combattaient à qui posséderait
      Une Génisse avec l’empire.
     Une Grenouille en soupirait.
     Qu’avez-vous ? se mit à lui dire
     Quelqu’un du peuple coassant.
     Eh ! ne voyez-vous pas, dit-elle,
     Que la fin de cette querelle
Sera l’exil de l’un ; que l’autre, le chassant,
Le fera renoncer aux campagnes fleuries ?
Il ne régnera plus sur l’herbe des prairies,
Viendra dans nos marais régner sur les roseaux,
Et, nous foulant aux pieds jusques au fond des eaux,
Tantôt l’une, et puis l’autre, il faudra qu’on pâtisse
Du combat qu’a causé Madame la Génisse.
     Cette crainte était de bon sens.
     L’un des Taureaux en leur demeure
     S’alla cacher à leurs dépens ;
     Il en écrasait vingt par heure.

     Hélas ! on voit que de tout temps
Les petits ont pâti des sottises des grands.

Fables, II, iii, 1668

 

Dans les Géorgiques, Virgile dépeint le combat de deux taureaux rendus furieux par le désir. La Fontaine s’en inspire, ainsi que d’une fable de Phèdre, dans ces alexandrins et octosyllabes. Le psychanalyste Jung expliquera que « le contraire de l’amour est la volonté de puissance » : l’élégie fait ici place à une leçon pessimiste de géopolitique. 

 

 

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