La fin de l’innocence
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L’Union européenne (UE) a entamé une lente reconfiguration de ses relations avec la Chine ces dernières années. De ce point de vue, l’année 2020 a constitué un accélérateur sans précédent de la perte de naïveté à l’égard de Pékin. Plusieurs facteurs expliquent cette prise de conscience : la pandémie de Covid-19 originaire de Chine, la tentative de Pékin de ringardiser les vieilles démocraties européennes face à l’autoritarisme chinois 2.0, la reprise en main tout aussi autoritaire de Hong Kong, et enfin, le cortège de révélations sur la répression des Ouïghours au Xinjiang. Après les centaines de camps de rééducation mis au jour depuis 2017 grâce à des images satellites, les témoignages directs et les fuites de documents officiels, l’année 2020 a en effet été marquée par l’arrivée d’informations sur la politique de stérilisations et de contraception forcées qui a fait chuter le taux de natalité dans la région ouïghoure de 50 % entre 2017 et 2018.
Jusqu’alors, la vision qui prévalait en Europe était que la Chine représentait un eldorado économique, en matière d’investissements, aussi bien que de production et d’exportations. Une image peu à peu mise à mal par le déséquilibre et l’absence de réciprocité dans les conditions d’accès au marché chinois par rapport à celui des Européens. En outre, si les investissements chinois en Europe étaient autrefois perçus comme une manne, leur bilan est aujourd’hui révélateur d’une stratégie de prédation des technologies et de la propriété intellectuelle. À cela se sont ajoutés un virage autoritaire à l’intérieur des frontières et une affirmation militaire sur la scène extérieure, en particulier en mer de Chine méridionale et face à Taïwan et à l’Inde. Une révision de la relation bilatérale sino-européenne devenait alors de plus en plus urgente.
Le commerce ne doit plus masquer d’autres intérêts impérieux que sont la souveraineté, l’autonomie, le respect de l’État de droit et du droit international
En mars 2021, l’UE imposa pour la première fois des sanctions qui touchèrent quatre responsables et une organisation impliquée dans les violations des droits de l’homme dans la région ouïghoure. Ce à quoi Pékin riposta immédiatement en sanctionnant des parlementaires européens et nationaux, des entités politiques de l’UE, des chercheurs et deux centres de recherche indépendants. Face à ces sanctions contre des élus et des citoyens, le Parlement européen a voté en mai suivant, à une très large majorité, la suspension sine die des travaux relatifs à la ratification du fameux accord global sur les investissements entre l’UE et la Chine qui devait rééquilibrer les relations commerciales. Les valeurs démocratiques et les droits de l’homme sont, cette fois-ci, passés devant les intérêts économiques.
Un autre dossier est venu attiser les tensions sino-européennes : Taïwan. La pression chinoise exercée sur l’État insulaire de 23 millions d’habitants a suscité un plus grand soutien en Europe, notamment de la part de la France, de la République tchèque, de la Slovaquie, de l’Estonie ou de la Lituanie. En raison de ses liens avec Taïwan, ce dernier pays traverse d’ailleurs une crise sans précédent, Pékin ayant, en guise de représailles, coupé tous ses échanges commerciaux avec Vilnius.
Dans la nouvelle relation bilatérale qui se dessine entre l’UE et la Chine, le commerce ne doit plus masquer d’autres intérêts impérieux que sont la souveraineté, l’autonomie, le respect de l’État de droit et du droit international. Dans cette perspective, et en prenant conscience de l’importance du marché européen pour l’économie chinoise, les échanges commerciaux pourraient être envisagés, non plus comme une fin, mais comme un moyen pour défendre nos intérêts.
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