Vous tournez vos premiers longs-métrages au début des années 1970, une période déterminante pour le Chili qui vit une véritable révolution socialiste. Racontez-nous.

Ce sont des années de béatitude pour le Chili. L’arrivée de Salvador Allende au pouvoir en 1970, après seize ans de campagnes successives, constitue un tournant exceptionnel dans l’histoire de l’Amérique latine. Au fil de sa carrière, sa pensée politique s’est affinée et c’est un homme au raisonnement extrêmement intelligent et complexe qui se présente alors au peuple chilien. Il sait que le pays a besoin d’une révolution, mais il a compris que la violence généralement associée à celle-ci ne ferait pas avancer le Chili. Il met alors en place le programme de l’Unité populaire, la coalition entre les partis de centre gauche et de la gauche qui a mené à sa victoire, et invente une révolution pacifique. La première année de son mandat, il déracine toutes les institutions pour replanter sur un sol sain. Les fruits ne se font pas attendre : une baisse considérable des prix, une réduction des inégalités et une université exemplaire redynamisent le pays. Le monde entier commence alors à regarder vers le Chili, inspiré par cette belle révolution. Sous Salvador Allende, le Chili était en passe de devenir un pays de rêve. 

Que s’est-il passé ? 

À partir de la deuxième année, la droite s’en mêle et incite à une grève massive chez les camionneurs, les chauffeurs de bus et d’autres travailleurs de la classe moyenne. En bloquant le pays, la tactique vise à détruire peu à peu l’Unité populaire. Je me souviens qu’il fallait prendre sa voiture pour aller chercher de la farine d’un côté de la ville, du riz ou de la viande de l’autre… Malgré cela, l’esprit révolutionnaire a persisté. Les Chiliens ont continué de se battre pour leurs idéaux en même temps que pour leur survie. Une semaine avant le putsch, j’ai filmé le dernier défilé public de Salvador Allende : au moins 800 000 pers

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