Tout le monde aime l’excellence. Et avoir un sens démocratique, c’est considérer que le savoir et l’excellence ne sont pas réservés à une partie de la population. La force de l’enseignement français a été d’enseigner Racine à tout le monde, y compris aux fils d’ouvriers et aux paysans. Il faut que les instruments du savoir soient rendus au peuple. Pour ce faire, il est nécessaire d’élever le degré d’exigence à tous les niveaux du corps social en rétablissant un encadrement moral, spirituel et politique. Nous avons aujourd’hui énormément d’outils d’information mais les gens sont seuls, livrés à eux-mêmes. Résultat : il y a une dégradation collective, qui se reflète dans l’école. On ignore tout de la morale. Notre société a perdu le sens spirituel de la concentration. Cette spiritualité qui s’acquiert dans le silence. Il ne s’agit pas de discourir pour savoir lequel va l’emporter : il s’agit de se taire. Athées, musulmans, chrétiens… on peut tous se taire ensemble et apprendre à se concentrer. Je rêve d’un monde où l’on méditerait dès le plus jeune âge, comme dans les monastères bouddhistes. La révolution de demain, dans la société comme à l’école, sera spirituelle et silencieuse. On ne pourra plus continuer à avoir des rebelles comme figure emblématique de l’individu d’aujourd’hui. On a exalté la rébellion par réaction contre le conformisme bourgeois et chrétien qui prévalait dans les sociétés modernes. Ce temps est révolu : on aime désormais la qualité et l’excellence. L’une des grandes aspirations de l’homme d’aujourd’hui, c’est d’être quelqu’un de bien, d’avoir une dignité, d’être respectable. On est fatigué et las devant la brutalité de nos relations. La force de l’école, c’est de donner ce temps du regard, de l’écoute et de la médiation. Voilà pourquoi il est urgent d’atténuer la porosité qui existe entre la société et l’école. Comme le disait Hannah Arendt, il faut sanctuariser l’école, lieu sacré dans lequel sont mis en place des rituels initiatiques. Favoriser cette intériorité qui pousse à l’émulation. Ce qui menace l’école et la société démocratique, c’est la désinvolture, la perte du respect et du rapport au sacré. Le problème n’est pas tellement la présence des ordinateurs ou des téléphones portables dans son enceinte. Il est plutôt d’ordre mental : on ne sait plus hiérarchiser les niveaux de sens. On confond les opinions et les idées. Les opinions, c’est-à-dire les impressions subjectives plus ou moins bien structurées en une image du monde, appellent à une réaction. Les idées, expériences lumineuses qui permettent de relier l’expérience à la pensée, appellent à une méditation. Cette révolution du silence est déjà en marche. Des écoles commencent à pratiquer la sophrologie, la relaxation et la méditation. À créer une atmosphère harmonieuse qui met les élèves en confiance. Vous avez des enfants très perturbés, pour des raisons sociales ou familiales, qui n’arrivent pas à dormir ou rester un quart d’heure assis. On leur apprend à respirer et ils vont beaucoup mieux. Cette révolution est une nécessité absolue. Autrement, le monde se transformera en un grand hôpital psychiatrique et l’école en une prison pour adolescents. 

 

Propos recueillis par M.P.

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