Le voyage immobile
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Les soirs d’hiver à Paris, lorsqu’il fait trop froid pour sortir, j’appelle le Chili. Au fond de mon lit avec ma tablette, je me connecte en quelques secondes à Santiago. Minuit chez moi, dix-neuf heures là-bas : je retrouve, sur mon écran Skype, mes anciens colocataires au bord de la piscine, un verre de Pisco à la main. Et moi, en pyjama, je me paye le luxe gratuit d’admirer le coucher de soleil sur la Cordillère.
Rentrée en France après trois ans d’études, de stages et de voyages aux États-Unis et au Chili, je n’ai pas voulu couper les liens que j’avais tissés à l’étranger. Alors j’ai pris d’étranges habitudes, comme assister à des remises de diplômes à Harlem depuis mon canapé ou prendre mon petit-déjeuner à Liège, par écrans interposés.
Appeler le bout du monde est devenu si facile que l’on en fait vite une manie. Dans les transports en commun, les files d’attente : tout moment ennuyeux du quotidien se transforme en prétexte pour un voyage express. Sur les réseaux sociaux aussi, on suit la vie des amis rencontrés en voyage. On garde les souvenirs vivants avec des mots, des photos, des vidéos. Sur Facebook, on publie des messages publics plutôt que privés, parce que l’idée c’est de partager. On lit de l’espagnol, on s’écrit en anglais, passant d’une langue à l’autre sans même s’en apercevoir.
Et puis, lorsque l’écran ne suffit plus, on saute dans le bus, le train ou l’avion. Parce qu’on a toujours un ami délocalisé qui nous laissera dormir sur son canapé.
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