Mon ailleurs, c'était les bagarres de rue emmenées par la fougue adolescente où je faisais confiance à la solidité de mes poings mais surtout à la rapidité de mes jambes, c'était les nuits trépidantes finissant le lendemain midi sans un sou en poche et les poumons pleins de tabac entre le 5ème et le 6ème à mendier un cheeseburger à l'équipière du Mac Do, c'était mes pieds rangés derrière la ligne à 3 points porté par une assurance guevariste que le panier serait marqué, c'était le match héroïque de Landreau à la Beaujoire contre Manchester United à l'automne 2001, c'était les milliers de carreaux lavés avec mon pote Amadou Touré, mouilleur à la ceinture, raclette à la main, à chanter Magic System, zieutant le 3310 en attendant de s'échapper du goulag, les courses de scooters puis de voitures, le calme des mois d'août coincé en ville à lire car le cathodique était en panne, les étés stamboulioutes à vivre la fusion de l'Europe et de l'Asie, les grappes de raisin et de raison égéennes, les réfugiés syriens de Qamisli, d'Alep, leurs histoires, les villages fantômes de la vallée de Tur Abdin. Et la découverte des planches, le théâtre, les répliques de titan, le trac, les craquages en public, c'était les teufs organisées à l'improviste à la cité U au nez et à la barbe du directeur, Marie-Jeanne et Jacques Daniel étaient comme toujours dans le coup. C'est chaque coup de pédale en ville, à la campagne, à la montagne, c'est une octave et demie chantée au réveil, puis deux le soir, quelques notes poussées pour le plaisir et pas pour nettoyer les poumons ou emmerder Mme Godin du 4ème, sur des mélodies venant de la Mésopotamie à l'Amérique du Sud en passant par Ménilmontant, c'est offrir aux yeux et aux méninges, la vie de mes amis contée par un écran et recelée par un câble. Enfin, échanger un sourire gratuit dans le métallique métro, mes écouteurs emmenant mes oreilles...ailleurs. Si votre ici vous fait exister pour les autres...l’ailleurs, c'est exister pour soi.

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