Entrer en contact physique avec le cadavre d’un malade n’aurait aucune incidence sur la santé des vivants. Voici l’une des nombreuses fausses rumeurs qui ont circulé en République démocratique du Congo lors de la dernière épidémie de virus Ebola. Les familles des défunts, sourdes aux mesures de prévention des professionnels de santé, ont continué à pratiquer leurs rites funéraires, favorisant ainsi la propagation du virus.

L’histoire de l’humanité est rythmée par l’émergence de nombreuses épidémies. S’il y a une chose que celles-ci nous apprennent, c’est bien que la compréhension du phénomène par le public est indispensable à la bonne gestion d’une crise. Une population avisée est une population plus à même d’écouter les recommandations des autorités et plus résistante à l’« infodémie », parfois aussi dangereuse et nocive que l’épidémie elle-même. Car toute épidémie s’accompagne de son lot de fausses rumeurs. La pandémie actuelle n’y échappe pas. Le flot d’informations fausses ou invérifiées émanant d’une crise vient entraver toute communication efficace. C’est pourquoi celle-ci doit se faire avant tout en temps de paix, entre les crises épidémiques, lorsque la population, non soumise à l’inquiétude et à la peur, est en mesure d’entendre et d’intégrer ces informations.

Cette éducation aux épidémies est possible grâce à un discours scientifique à la portée du public. Renforcer les contacts entre la science et la société est une nécessité. Communiquer et informer la population, mais aussi les médias, fait partie du métier de scientifique. Favoriser ce type de transmission et s’assurer que la population acquiert une connaissance de base tient aussi de la responsabilité des pouvoirs publics. Quelle est la différence entre un virus et un microbe ? Comment survient et se développe une épidémie ? Comment se protéger en évitant les contacts directs ? Jusqu’au COVID-19, une large part de la population semblait encore ignorer l’importance du lavage des mains, pourtant mise en lumière dès le xixe siècle par Ignace Semmelweis, un gynécologue hongrois. Pasteur lui-même ne serrait d’ailleurs jamais les mains, ce qui lui a sûrement valu d’échouer à une élection sénatoriale ! Des jeunes qui présentent les symptômes du virus, en s’isolant spontanément, protègent leurs aînés. Il s’agit ici d’une responsabilité à la fois individuelle et collective. Comme lorsque l’on se vaccine, on le fait autant pour se protéger soi que pour éviter de contaminer les autres. Une meilleure connaissance des mécanismes permettra à la collectivité de s’emparer de ces problématiques sanitaires. C’est ainsi que nous serons en mesure de prévenir d’autres fléaux, comme celui de la résistance aux antibiotiques, qui touche déjà les pays du Sud et dont on parle insuffisamment.

Insistons enfin sur le caractère indispensable de la recherche. De quoi meurt-on ? Qu’est-ce qui fait la gravité d’une maladie ? De quels traitements pourrons-nous disposer à l’avenir ? Le monde entier s’est affolé à juste titre au moment du SRAS. Puis l’épidémie s’est éteinte, et avec elle toute préoccupation liée à sa résurgence. Aucune pédagogie auprès des populations n’a été envisagée et les chercheurs, dont le travail dépend des politiques budgétaires, n’ont pas reçu d’invitation à poursuivre des projets de recherche liés au virus, qui auraient pourtant pu nous éclairer sur la crise actuelle. Or c’est en transmettant les connaissances aux populations et en pensant la recherche sur le long terme que nous nous préparerons au mieux aux épidémies de demain. 

 

Propos recueillis par MANON PAULIC 

 

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