En affirmant, jeudi 12 mars, que la France affrontait « la plus grave crise sanitaire » qu’elle ait connue depuis un siècle, Emmanuel Macron a livré une partie de la vérité. Car cette crise, de dimension mondiale, peut se lire à au moins trois niveaux. Crise sanitaire, donc, dont on peut déjà pressentir qu’elle sera longue et éprouvante. La litanie des chiffres et les cris d’alarme des scientifiques ont ramené à la raison ceux qui ne voulaient voir dans le coronavirus qu’une « grippette » qui toucherait une poignée de séniors. Par sa létalité comme par sa contagiosité, le COVID-19 présente une menace nettement plus sérieuse, surtout en l’absence de vaccin ou de certitudes sur son évolution. Et si la Chine, où s’est déclaré le premier foyer de contamination en décembre dernier, paraît aujourd’hui contenir l’épidémie, c’est au prix d’un blocage total des régions concernées et de son appareil productif.

C’est là l’origine de la deuxième crise, économique celle-là. Le krach boursier de la semaine passée n’est que la première secousse d’un séisme qui touchera de larges pans de l’activité : tourisme, commerce, culture ou encore restauration sont les premiers pénalisés par les mesures de confinement, mais c’est l’économie entière qui sera atteinte par ricochet, avec des inquiétudes légitimes pour l’emploi et l’endettement des entreprises. Crise politique, enfin, mise en évidence par le repli national et l’absence de coordination globale. Dans ce grand sauve-qui-peut, chaque pays joue désormais ses propres intérêts, y compris en Europe, où les capitales affichent un cruel manque de solidarité. Il faudra tirer les leçons de cette débandade, imaginer un « acte II de la mondialisation », comme le réclame le politiste Bertrand Badie dans l’entretien qu’il nous a accordé.

Nul ne peut prédire quand cette épidémie sera vaincue ni à quel prix. Mais il paraît évident, désormais, que notre monde s’en trouvera bouleversé. Ironie amère pour les militants écologistes, qui réclament depuis des années un changement de système : ce n’est pas la grande échelle des phénomènes climatiques qui fait bouger les lignes, mais l’infiniment petit des microbes. Dans les deux cas, c’est un adversaire invisible qu’il s’agit de combattre, et qui requiert une mobilisation sans précédent. Avec la fermeture des établissements scolaires, le recours massif au télétravail ou la suspension des événements qui jusqu’ici rythmaient notre quotidien, une parenthèse s’ouvre dans nos vies. À moins que ce ne soit une autre qui se referme, celle d’un monde où chacun pouvait vivre en toute innocence, oubliant les exigences du réel et de notre condition. 

 

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