NON, bien sûr, on ne va pas mettre la Hongrie ou la Pologne à la porte. Mais comment faire comprendre à leurs dirigeants que l’Union européenne n’est pas une simple vache à lait et qu’elle repose sur des valeurs qui ne se divisent pas ?

On n’a pas affaire à des dictatures déguisées en démocraties, comme il en existe en Afrique, en Asie ou en Amérique latine, ces démocratures – rimant avec imposture et torture – où le bourrage des urnes et une féroce répression permettent à des autocrates de régner indéfiniment. C’est un autre régime hybride qu’incarne et revendique Viktor Orbán, le Premier ministre hongrois : la « démocratie illibérale », un oxymore aussi déroutant que la joyeuse tristesse ou l’obscure clarté. Pour lui, la démocratie se réduit au vote. Ayant été élu dans les règles, il fait ce que bon lui semble. Rien ni personne (partis d’opposition, syndicats, associations, justice, presse…) ne saurait borner son pouvoir tiré des urnes. Rien ne doit exister entre lui et le peuple qui l’a désigné : il est le peuple. Et ce ne sont pas les clowns de Bruxelles qui vont lui dicter ce qu’il doit faire.

La « démocratie illibérale » – terme inventé par l’essayiste américain Fareed Zakaria – est donc réduite à l’élection. Elle fait fi de toute une histoire qui, en Occident, a cherché à protéger le citoyen de la contrainte : liberté individuelle née avec les Grecs et État de droit inauguré par les Romains.

L’adjectif « illibéral », qu’on trouvait au XIXe siècle sous la plume de Proudhon ou de George Sand, avait disparu du dictionnaire. Il y revient, joliment encadré par « illettré » et « illicite ». Accolé au mot « démocratie », il est aussi illisible qu’illégitime.

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