La Pologne peut-elle se permettre de renoncer au plan de relance de l’Union européenne qui lui accorde 24 milliards d’euros de subventions, assortis de la possibilité de contracter 12 milliards de prêts bonifiés ? A priori non, ce qui n’empêche pas ses dirigeants conservateurs de jouer un jeu dangereux avec Bruxelles. Comme la Hongrie, la Pologne supporte mal les règles de l’Union, qui lui convenaient parfaitement au moment de son adhésion en 2004. Désormais, ce pays si européen, à la population si europhile, fait savoir par son tribunal constitutionnel, aligné sur le gouvernement polonais, que le droit européen ne peut prétendre primer sur le droit national. Ce qui revient à dire que la Pologne fait sécession.

Est-ce grave, voire fatal ? C’est pour répondre à cette question et comprendre les raisons de cette fronde que nous vous proposons ce numéro qui entreprend, au-delà du seul cas polonais, de cartographier et d’analyser les fractures européennes. Car l’Union, dont l’histoire est ponctuée de crises de croissance, fonctionne depuis les origines dans un cycle permanent de tensions anxiogènes et d’avancées libératrices. Les forces centrifuges semblent dominantes, toujours à la manœuvre, au point que l’on finit par oublier les acquis et les succès de l’Union. À commencer par un marché convoité de 450 millions d’habitants qui assure la libre circulation des biens et des personnes.

Mais voilà, chaque pays est porteur d’une vision de l’Europe, influencé par sa culture et son histoire. Et il arrive à chacun des Vingt-Sept d’être le mauvais élève. Parmi les pays scandinaves, souvent qualifiés brutalement de « radins », l’obsession de l’orthodoxie budgétaire conduit parfois à la faute politique. Dans les pays du Sud, traités dédaigneusement par ceux du Nord de « Club Med », le recours à l’endettement est devenu une addiction. Quant aux États d’Europe centrale, réchappés de plusieurs décennies de dictature communiste suivie d’un essorage ultralibéral, ils aspirent avidement tout ce que Bruxelles consent à leur offrir en oubliant parfois les règles de la politesse. Chaque groupe récrimine, peste, conteste et bouscule l’Union. Et pourtant, soixante-quatre ans après la signature du traité de Rome, elle tourne ! 

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