Depuis plusieurs semaines, vous entendez parler de la crise de Presstalis. Un nom qui ne vous dit peut-être pas grand-chose, sinon qu’il rime avec Lactalis. Sans doute existe-t-il des points communs entre le scandale du lait contaminé et celui qui frappe le principal diffuseur de la presse en France, lequel s’est subitement révélé au bord de la faillite fin 2017. Dans l’affaire Presstalis, il est aussi question de mensonges et de dissimulations, au profit de quelques grands groupes de presse dont les représentants ont cautionné des années durant, avec l’assentiment des pouvoirs publics, des pratiques à la limite de la légalité. 

L’écroulement de Presstalis, nous dit-on, ferait courir au secteur un risque « systémique ». C’est ce chantage au chaos qui a justifié un véritable racket dans une opacité sidérante et un silence médiatique quasi général, excepté sur quelques sites Internet et dans les colonnes de Libération. Tout a commencé le 7 décembre quand, par un simple mail, la nouvelle direction de Presstalis a décidé unilatéralement de prélever 25 % de nos recettes de décembre et de janvier. Avant de concocter un plan de sauvetage de l’entreprise passant par la ponction de 2,25 % de notre chiffre d’affaires jusqu’en 2023. L’addition se chiffrera pour notre hebdomadaire et notre trimestriel America à quelque 500 000 euros en cinq ans. Sans espoir sérieux de revoir un jour ces sommes.

Autant le dire : nous n’avons pas eu le choix. Quant au plan de redressement de Presstalis, concocté par des administrateurs représentant les grands groupes de presse qui ont brillé par leur incompétence sinon leur indélicatesse, nous n’en connaissons que des bribes éparses. Bel exemple de désinformation au cœur du système d’information. Rien ne garantit que l’effort imposé aboutira à un assainissement du secteur et à la fin de pratiques condamnables, tant du côté des « gros » qui servent leurs intérêts sur le dos – et la tréso – des « petits » éditeurs (ceci écrit sans manichéisme aucun), que parmi les membres de l’ex-Syndicat du livre CGT, assidus fossoyeurs de la presse écrite en France.

L’enquête de Philippe Kieffer sur la déroute de Presstalis est notre réponse à l’omerta. C’est avec nos armes de journalistes que nous avons choisi de lutter pour une presse indépendante, quand tout tend à la faire disparaître – et les marchands de journaux avec elle – au profit d’une illusion numérique sous-tendue par une haine du véritable journalisme – celui qui informe et dérange – portée en bandoulière par les nouveaux maîtres du complexe médiatico-industriel. Que de questions restées sans réponses ! Combien de faux bilans, de comptes dissimulés ? Et quid du travail de Gérard Rameix, ancien président de l’AMF (Autorité des marchés financiers), qui prônait rien moins que la liquidation de Presstalis ? Son rapport remis fin 2017 est resté confidentiel, jugé trop explosif en haut lieu. Pour nos quatre ans d’existence, ce numéro du 1 se veut le manifeste de notre liberté combative. Puisque rien ne bouge, nous demandons l’ouverture sans délai d’une commission parlementaire qui fera la lumière sur ce scandale français. 

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