Double peine
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L’autisme fait perdre la raison. Voilà quelques dizaines de députés qui se joignent à la querelle entre comportementalistes et tenants de la psychanalyse et entendent bannir la seconde de la liste des traitements pris en charge. Ils amplifient la controverse et l’enveniment au moment même où, dans les deux camps, beaucoup s’emploient à remplacer les invectives par des tentatives d’inventaire des réussites, des échecs, des arnaques, des expérimentations prometteuses. Voici une pédiatre, légitimement préoccupée par le nombre d’enfants « dans leur bulle, indifférents au monde qui les entoure, très agités et intolérants à la frustration » que lui signalent un nombre croissant d’enseignants. Elle établit un lien de causalité avec leur surconsommation d’écrans. Elle identifie ces comportements comme un autisme d’origine environnemental, tout en estimant que le sevrage de télévision, de tablette et de téléphone fait disparaître les troubles. Elle provoque la colère des parents et des soignants confrontés à l’autisme. Ils vivent la profondeur de ce trouble et n’entendent pas qu’on l’assimile à des comportements d’enfants mal ou pas élevés. Sans compter que les chercheurs rappellent que la corrélation n’est pas la causalité et ressortent des archives l’étude d’un professeur d’économie américain qui constata une concordance entre l’autisme et le niveau des précipitations dans plusieurs États. Considérant que la pluie scotche les enfants devant la télévision, il crut pouvoir établir une corrélation entre le nombre de petits autistes et celui des abonnements au câble…
Roselyne Bachelot, qui eut à connaître de l’autisme comme parlementaire puis comme ministre de la Santé, a coutume de dire que l’autisme, c’est la guerre civile. Il déclenche pêle-mêle le pire et le meilleur, la mise en cause des sachants, la théorie du complot, la volonté d’être des protagonistes, la colère des parents culpabilisés et de ceux abandonnés à une souffrance qui s’étend à toute leur famille, la prolifération des clichés sur ces troubles (tous les autistes ne sont pas Rain Man), l’abandon par l’éducation nationale.
Sur ce dernier point, la France est suffisamment insuffisante pour avoir été condamnée en 2014 par le Conseil de l’Europe pour s’être assise sur la charte sociale qui garantit aux enfants autistes de recevoir une éducation effectuée en priorité dans des établissements de droit commun. Elle a déjà été condamnée en 2003 pour non-respect de cet engagement, encore ineffectif aujourd’hui pour 80 % des autistes. Le Conseil évoque en outre « l’insuffisance quantitative des auxiliaires de vie scolaire (AVS) et la non-continuité du service tout au long de la scolarité des enfants concernés, [qui] sont de nature à élever des barrières au parcours scolaire des enfants et adolescents autistes […] et représentent une dynamique de rejet de ces élèves en dehors de l’école ordinaire ». De fait, pour obtenir l’aide d’une AVS, les parents doivent remplir des dossiers d’au moins cinquante pages et quelquefois de quatre-vingt-dix. Si la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) leur répond favorablement, elle décide du nombre d’heures hebdomadaires pendant laquelle le service sera rendu. Tous les ans – quelquefois tous les deux ans –, il leur faut renouveler leur demande, sans savoir si l’AVS qui suit leur enfant lui sera de nouveau affecté. C’est ce qu’on appelle un parcours fléché. Vers la Belgique.
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