La terrifiante saga de la maison Bouteflika
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L’homme qui ne voulait pas être un « président aux trois quarts » a fini par n’être que le spectre de lui-même : vieillard avachi et aphasique trimbalé d’avion médicalisé en voiture blindée, de Genève à Alger, comme un colis volé sous l’œil de millions d’Algériens scrutant le ciel et les yeux des policiers rouges de honte.
Comment, en l’espace de vingt ans, de quatre mandats et d’une génération qui a fini par rompre les chaînes du chantage à la peur, comment Abdelaziz Bouteflika a-t-il fomenté lui-même l’effondrement de son clan, la chute de sa présidence ?
À trop vouloir accaparer tous les pouvoirs, il a vidé le système de ses structures de pouvoir. Un système de pouvoir est une chaîne verticale de transmission des décisions et des comptabilités, un système ascendant et descendant en même temps. Or, Bouteflika a concentré tellement de prérogatives que le système s’est grippé, tout montait et descendait de lui et vers lui. Quand il n’a plus été capable de gouverner, le système entier a failli s’effondrer, d’un coup.
Il faut comprendre l’histoire de cet homme – un moment trahi et pourchassé, appelé comme un sauveur ensuite – pour saisir les profondes mutations qu’il a imposées au sein du système algérien.
On revient de loin : pour résumer l’histoire, allons vite, aussi vite que ses retournements cruels. 1978 : le mentor du jeune et fougueux ministre des Affaires étrangères de l’Algérie disparaît subitement. Houari Boumediene est mort à 46 ans sans avoir préparé sa succession : Bouteflika, qui se battra pour lire son oraison funèbre – signe kabbalistique de la coutume soviétique –, se voit comme le légitime héritier du grand frère. Mais l’armée, et surtout un certain Kasdi Merbah, patron de la mythique Sécurité militaire, s’y oppose. Lâché, harcelé par la justice, chassé avec ses proches de leur maison sur les belles hauteurs d’Alger, vilipendé dans la presse du parti unique, Abdelaziz encaisse les coups et nourrit patiemment sa rancune.
D’exil en exil, de Damas
« Bouteflika incarne un régime insensible à toute critique »
Mohamed Kacimi
La renonciation de Bouteflika est-elle une victoire de la rue algérienne ?
Non, il ne s’agit pas d’une victoire, mais au contraire d’une confirmation de la cécité et de la surdité du régime. Il faudrait être naïf pour croire que cette caste, accroché…
[Momification]
Robert Solé
On n’arrête pas de qualifier Abdelaziz Bouteflika de momie. Ce n’est pas très gentil pour les momies. Il ne faut d’ailleurs pas tout mélanger. Ni Ramsès II ni Séthi Ier, qui reposent côte à côte …
Les spectres de Kabylie
Philippe Meyer
Sujet du concours : « Jugurtha, roi numide. » Jugurtha, roi berbère, qui tint tête sept années durant aux armées de Rome. Jugurtha, roi kabyle, que Caius Marius ne put asservir que par traîtrise. Jugurtha, qui rétablit l…