Ce siècle n’avait pas deux ans qu’il était déjà endeuillé. Le 11 septembre 2001, la fumée noire qui s’éleva des tours jumelles de New York ne fit pas que plonger le monde dans un état de sidération. Quand George W. Bush s’adressa le soir même à la nation américaine, on comprit qu’une guerre sans pitié contre le terrorisme était engagée. Dix jours plus tard devant le Congrès, ses mots ne souffraient aucune équivoque : « Notre peine s’est transformée en colère, et notre colère en détermination. Que nous livrions nos ennemis à la justice ou que nous fassions justice nous-mêmes, justice sera faite. » Avant ces attentats meurtriers, W. faisait figure de président gaffeur et mal élu. L’épreuve lui donna la stature présidentielle qui lui manquait, et c’est avec une popularité sans précédent qu’il s’engagea dans un combat contre Al-Qaïda et tous ceux qui protégeaient l’organisation terroriste. À commencer par le régime taliban de Kaboul qui ne tarda pas à s’effondrer sous les assauts de la coalition internationale constituée au lendemain des attentats. Après cinq semaines de frappes marquées par la chute de nombreuses villes détenues par les talibans, Kaboul tomba aux mains des alliés. Ben Laden, lui, restait introuvable.

Mais si la campagne d’Afghanistan bénéficia d’un large soutien, celle qui suivit en Irak vit le front commun se lézarder, la France et l’Allemagne refusant, à la différence de la Grande-Bretagne de Tony Blair, d’entrer dans ce qui sera le grand mensonge des dirigeants américains : prétendre que Saddam Hussein détenait des armes de destruction massive, ce qui justifiait d’envahir l’Irak et de renverser son chef arrogant. Il fallait donc terminer le travail laissé inachevé par George Bush père. Accomplir le rêve des néoconservateurs et de leurs alliés nationalistes représentés au cœur du pouvoir par le vice-président Dick Cheney et le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld et son adjoint Paul Wolfowitz. Si on ne parlait pas encore de « fake news » ou de « complotisme d’État », cette transgression marqua le début d’une dérive de l’exécutif américain vers de graves violations des droits de l’homme. Le vote par le Congrès du Patriot Act préparé par la Maison-Blanche entérina l’abandon de pans entiers de l’État de droit, comme le souligne Sylvain Cypel dans son grand récit. Vinrent ensuite l’ouverture du camp de Guantanamo régi par des procédures judiciaires d’exception que la Cour suprême des États-Unis jugea illégales en 2006, puis les exactions des soldats américains dans la prison irakienne d’Abou Ghraib.

Au lendemain des attentats du 11-Septembre pourtant, un unanimisme occidental s’était fait jour autour du mot d’ordre de George W. Bush : combattre l’axe du mal. Vingt ans après, le politiste Francis Fukuyama, qui nous a accordé un grand entretien, regrette « la réaction disproportionnée et malavisée de la puissance américaine ». Une erreur que nous payons tous encore. 

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