L’« axe du mal »
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11 septembre 2001. New York, Arlington, Shanksville. La stupeur et l’effroi
Ils sont dix-neuf – l’Égyptien Mohammed Atta, chef du commando, quinze Saoudiens, deux Émiratis et un Libanais – à embarquer en quatre groupes, chacun sur un vol intérieur américain. Il est 8 h 46 à New York (14 h 46 en France) lorsque le vol no 11 d’American Airlines s’encastre au cœur du quartier d’affaires de New York, dans la tour nord du World Trade Center (WTC), entre les 93e et 99e étages. Ce Boeing 767, parti de Boston pour Los Angeles, transportait onze membres d’équipage et 81 passagers, parmi lesquels cinq membres d’Al-Qaïda, dont Atta. Dix-sept minutes après, un second Boeing 767, le vol 175 d’United Airlines, lui aussi parti de Boston vers Los Angeles et transportant neuf membres d’équipage et 56 passagers, dont cinq terroristes, percute la tour sud du WTC, entre le 77e et le 85e étage. Il est 9 h 03.
Très vite, l’Amérique entière cesse toute activité, prenant lentement conscience de l’événement inouï en train d’advenir. Une demi-heure plus tard, à 9 h 37, le vol 77 d’American Airlines pour Los Angeles, un Boeing 757 parti de Washington, s’écrase sur la façade ouest du Pentagone, le siège du ministère de la Défense à Arlington, en Virginie. Il transportait six membres d’équipage, 33 passagers et cinq terroristes. L’un d’eux manquera à l’appel dans le dernier appareil capturé ce jour-là : le vol 93 de United Airlines, un Boeing 757 parti de Newark, dans le New Jersey, vers San Francisco. L’équipage compte sept personnes. Il y a 33 passagers. Certains d’entre eux tenteront d’empêcher les terroristes d’agir. Avec un certain succès, puisque ceux-ci ne sont pas parvenus à leurs fins, qui consistaient, selon la version la plus probable, à faire exploser l’avion à Washington, sur le Capitole (siège du Congrès, qui réunit le Sénat et la Chambre des représentants) plutôt que sur la Maison-Blanche. L’appareil s’écrase en Pennsylvanie, près d’une bourgade nommée Shanksville, à 10 h 03.
À New York, les deux tours prennent feu à la suite de l’explosion du kérosène emmagasiné par les avions. Les incendies sont visibles à 30 kilomètres. Le monde entier voit en direct les images de ces gens ceinturés par les flammes, sautant dans le vide du haut des bâtiments. Ils sont quelque deux cents à agir ainsi. Tous périssent. La tour sud brûle près d’une heure et s’effondre à 9 h 59. La tour nord, dont l’incendie dure 90 minutes, s’écroule à 10 h 28. Compte tenu d’un troisième bâtiment (la tour N7 du WTC, qui s’effondre partiellement du fait des gravats brûlants qui tombent sur elle), l’opération-suicide fait sur le coup 3 624 morts et plus de 6 000 blessés.
2 977 personnes meurent dans les tours jumelles. Elles étaient originaires de plus de quatre-vingt-dix pays. 372 n’étaient pas des citoyens américains. La banque d’affaires Cantor Fitzgerald, dont les locaux sont situés entre les 93e et 100e étages de la tour nord, sera la firme la plus touchée, perdant sur le coup 358 personnes. On dénombrera aussi parmi les victimes 343 pompiers et 72 membres des forces de l’ordre, montés dans les étages des tours pour organiser les sauvetages et décédés dans leur effondrement. Au Pentagone périssent 125 personnes, pour l’essentiel des fonctionnaires du ministère. Enfin, il n’y a aucun survivant au sein des quatre vols.
11 septembre 2001. New York. Les secours
Des 50 000 personnes qui travaillaient dans ces tours chaque jour, 17 500 étaient déjà présentes ce matin-là, dont 85 % ont pu être évacuées. Cependant, le fait que les occupants de la tour sud n’aient pas reçu d’ordre d’évacuation après l’attaque préalable contre sa jumelle sera perçu comme une faillite sécuritaire notoire. Le FDNY (département des pompiers de New York) mobilise la moitié de ses effectifs sur le site du drame. Bientôt, la ville fait appel à des unités venues de plusieurs villes de l’État puis des États limitrophes, surtout le New Jersey, pour organiser secours et évacuations. Policiers, gardes-côtes, et personnels hospitaliers affluent aussi par milliers dans la matinée. Rudy Giuliani, le même qui, en 2020, deviendra l’avocat personnel de Donald Trump, est alors maire de New York. Il émerge rapidement comme le coordinateur des premières mesures d’urgence. Des incendies récurrents surviendront encore longtemps après sur ce lieu qu’on nomme désormais « Ground Zero ». Le dernier sera éteint le 20 décembre 2001, exactement cent jours après les attaques.
11 septembre 2001. New York. L’odeur d’une ville
Les témoignages de ceux qui ont vécu les attentats se ressemblent beaucoup. Mais chacun porte aussi sa part de singularité. À l’époque, Claudia Danies est juriste dans une société de courtage de Wall Street. Sur place, elle n’a pas compris qu’un avion s’était encastré dans une tour. Avec ses collègues, elle voit par la fenêtre le second appareil faire un virage. « C’était comme si un enfant tenait un avion au bout d’une ficelle pour le projeter sur sa construction en Lego. » Et l’appareil percute la seconde tour du WTC : « On a été tétanisés. Personne ne disait un mot. Mon mari m’a appelée pour me demander ce qu’il se passait. Je me suis mise à pleurer et à trembler. » Ils conviennent de se retrouver loin de là, au centre-ville. « Dans la rue, tout le monde regardait vers le ciel. On pensait qu’on était en guerre et que des bombes pouvaient nous tomber dessus à chaque instant. » Puis vient le bruit assourdissant de la première tour qui s’effondre. « À ce moment-là, j’ai perdu la notion du temps. » Elle ne pense plus qu’à une seule chose : son mari et son enfant de 5 ans. « Je me suis demandé si j’allais les revoir. » Ann Alter, enseignante, travaille alors pour un éditeur de livres d’architecture. Apprenant chez elle à la
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