Christine and the Queens écrit :
Des astres épars
D’où l’on ne revient jamais
Espace sans mémoire
Un jour je partirai
Partir, mais où ? Non seulement l’étranger les attire pour le loisir, mais combien de jeunes gens, pourtant anciens Erasmus et attachés à l’idée européenne, s’expatrient chaque année afin d’aller travailler, chanter, découvrir d’autres continents ?
La sape aussi compte, cheveux gominés, colorés, rasés sur le côté, en crête sur le dessus, Christine examine :
Cheveux en arrière
Col boutonné haut
C’est moins pour l’allure
Que pour cacher l’éraflure
Suis-je laid ou beau ?
Et le sexe dans tout ça ? Une génération qui ne serait pas éperdue d’amour passerait forcément à côté de l’essentiel. On la présente souvent, en la matière, comme précoce, blasée, l’imaginaire encombré de turgescences, de seins rafistolés, à croire que le règne des images dès le plus jeune âge aurait tout démystifié. Mais c’est la peur au ventre que l’on s’aventure dans des contrées qui pourraient être pestiférées, le sida persiste en dépit des avancées thérapeutiques.
Dans Chaleur humaine, Christine ose :
Je suis contre les chastetés
Toutes celles qui glissent sous l’oreiller
Des cupidons aux lèvres abîmées
Sur le sexe les jambes repliées
Sex and drugs and rock’n’roll, chantait Ian Dury dans les années quatre-vingt. Le groupe Feu ! Chatterton (en hommage à Thomas Chatterton, poète anglais surdoué qui se suicida à dix-sept ans pour ne pas mourir de faim) :
J’y pense tout le temps
Et pour que ça passe, ça passe
Je m’automédique
J’avale, j’avale
Des ecstas merdiques
Et je me dis que
Ça va
La mort, comme le désir de fuir, n’est jamais loin. Loin du tumulte, de la jalousie et de l’ennui, la vitesse et l’instantanéité sont leur lot. Jadis on s’épanchait au combiné, aujourd’hui on dévoile son ego et ses petits bobos en 140 caractères sur Twitter.
Feu ! Chatterton encore :
Que dis-tu de prendre le large
Avant qu’il ne pleuve
Sur nos amours ?
Ne crains rien
Jure-moi qu’importe le danger
Que même si l’on crève
Tes sanglots
Seront toujours reptiliens
Une fille, Camille, vient de se révéler en divers festivals et surtout auprès du public. Elle aime décortiquer les amours et l’on y trouve du sang, de l’angoisse et des océans de chagrins :
Sous le ciel il y a l’orage
Et sous l’orage il y a les amants
Sous les amants il y a le large
Et sous le large il y a l’océan
Sous l’océan il y a les larmes
Et sous les larmes il y a le sang
Et sous le sang, alors ? alors ?
C’est par Radio Elvis que je terminerai ce court portrait de ce que racontent les chansons françaises d’aujourd’hui. Comme à toutes les époques, la jeunesse cherche le Graal, la pilule magique, l’alchimie où peuvent se conjuguer « vivre sa vie » et traverser ce séjour terrien sans trop d’encombres et de dommages collatéraux – une vie immédiate avec le repos des caravansérails, ces refuges ancestraux où l’on dort, encore aujourd’hui, pour reprendre des forces et continuer le chemin.
Trouverai-je l’alchimie
Dans les odeurs de thé
Et les vents parfumés
Qui peuplent mon sommeil
Et soudain c’est à l’aube
Qu’un peuple de sourires
Embaume nos lèvres
De coutumes en un souffle
Embaume nos lèvres
Au caravansérail
Qui peuplent mon sommeil
Illustration Stéphane Trapier