acheter ce numéro
« Une tradition gauloise, contestataire, drôle et méchante »
Robert Darnton
Vous étiez présent le 11 janvier à la grande marche de soutien à Charlie. Qu’avez-vous ressenti ?
J’y ai vu notre héritage commun des Lumières. Je pensais à l’amitié qui unissait autrefois Condorcet à Jefferson et Franklin quand ils étaient à Paris. Mais ce qui m’a surpris, c’est la prise de distance par rapport à la religion, une attitude très française et différente de la tradition aux États-Unis.
Pourquoi différente ?
Pendant la manifestation à Paris, j’ai entendu des personnes défendre « le droit au blasphème ». On n’emploierait jamais ce vocabulaire aux États-Unis. La tradition de Charlie est très française, étrangère à une culture américaine où la liberté de la presse est une valeur pourtant centrale. Les Américains sont croyants. C’est un pays beaucoup plus religieux que la France, avec un éventail de religions important, dont certaines sont nées aux États-Unis, comme les mormons. Les Américains ne peuvent pas comprendre l’importance du droit au blasphème. Ils ne connaissent pas cette tradition française ancienne, que j’apprécie beaucoup personnellement, et à laquelle se rattache Charlie Hebdo.
Dépaysement
Robert Solé
La France déconcerte. À un étranger qui essaie de comprendre la logique cartésienne, il faut expliquer le plus doucement possible, sans aller trop vite, quelques évidences :
1. Les Français sont très attachés à l’État-providence, n’imaginant pas de vivre sans sécurité sociale ou sans enseignement gratuit. C’est pourquoi ils font de la tricherie sur les impôts un sport national.