Un soft power made in china
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Le soft power est un enjeu crucial, non seulement pour Xi Jinping, mais aussi pour les dirigeants chinois qui l’ont précédé. Depuis le 17e congrès du Parti communiste chinois de 2007, le régime a eu pour objectif de faire rayonner la culture chinoise, pour séduire et influencer – une stratégie de soft power formalisée depuis maintenant une trentaine d’années par la célèbre école de Shanghai, un groupe d’intellectuels qui ont traduit et adapté au contexte chinois les travaux du politiste américain Joseph Nye, grand théoricien de ce concept.
L’idée a été de mettre de côté la plupart des dimensions relevées par Nye – modèle politique, cohésion sociale… – pour miser quasi exclusivement sur la dimension culturelle, en l’occurrence la culture plurimillénaire de la Chine. Une véritable révolution, quand on se souvient que quelques décennies plus tôt, un certain Mao Zedong voulait éliminer toute référence à la culture traditionnelle chinoise !
Arrivé au pouvoir en 2013, Xi Jinping va s’approprier et intensifier la stratégie de l’école de Shanghai en avançant sur plusieurs fronts et en employant tous les moyens à sa disposition.
D’abord, par la mise en avant du patrimoine historique : on restaure, on embellit, et, surtout, on en revendique l’importance – la Chine est désormais le deuxième pays, derrière l’Italie, qui a le plus grand nombre de sites inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco, grâce à une campagne de représentation extrêmement active au sein même de l’institution, où l’influence et la contribution financière chinoise augmentent à mesure que la présence américaine, sous l’impulsion de Trump, recule.
Ensuite, par la diffusion de la langue : avant même l’accession au pouvoir de Xi Jinping, la Chine avait développé dans le monde entier des instituts Confucius, pour diffuser la langue, mais aussi la connaissance de la culture chinoise sur tous les continents. Xi Jinping a soutenu cet effort, si bien que l’on compte désormais plus de 500 instituts et pléthore d’apprenants du mandarin. Cette langue étant, selon l’Unesco, la plus difficile au monde, c’est une réussite incroyable.
Enfin, en développant et en diffusant un certain « récit » de l’histoire et de la culture nationale. Il se décline en deux pans. Le premier, hérité du temps de Mao, est celui du « siècle d’humiliation » de la Chine par les pays occidentaux et le Japon, et sert de justification à une affirmation de puissance. Le second, promu par Xi Jinping, convoque des philosophies et des imaginaires anciens : confucianisme, taoïsme, Tianxia [le concept d’Empire céleste], embellis, amendés, voire largement réinterprétés pour justifier la place de la Chine dans le monde, son lien avec les pays voisins – un lien naturellement asymétrique. La Chine y serait une puissance dominante, rayonnant par son histoire et sa culture, exerçant le rôle incontestable de leader parmi les pays du Sud global. Bref, un moyen de s’appuyer sur des pratiques anciennes pour justifier des pratiques contemporaines.
Bien sûr, il est très difficile d’évaluer le succès d’une telle politique. On dispose néanmoins de quelques indicateurs, dont des sondages d’opinion menés dans différents pays. Avec toutes les réserves habituelles liées au climat politique, économique, etc., on constate que beaucoup, notamment en Afrique, ont une vision positive de Pékin parce que la Chine y investit massivement, mais aussi parce qu’elle nourrit une relation qui n’est pas perçue comme un rapport de force néocolonial. Plus significatif encore : les voisins directs de la Chine, que ce soit en Asie centrale ou en Asie du Sud-Est, même s’ils s’inquiètent toujours de sa puissance, reconnaissent unanimement son poids. Désormais, la Chine est perçue dans cette zone comme un acteur incontournable, une grande civilisation, un pays finalement plus important que les États-Unis. Autant dire que pour la Chine, le pari du soft power est gagné.
Conversation avec LOU HÉLIOT


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