Qui pouvait se targuer, il y a un an, de situer la ville de Wuhan sur une carte ? Qui aurait pu dire en quelques mots son rôle dans l’histoire de la Chine, sa place dans l’industrie mondialisée ? Bien peu d’entre nous. Mais à la triste faveur de l’épidémie de Covid-19, Wuhan et son « marché humide », Wuhan et ses malades errant dans la ville à la recherche de secours, Wuhan et son confinement impitoyable se sont imposés dans l’actualité avec un long cortège de mystères.  

En cette fin d’année toujours plombée par l’épidémie, nous avons voulu revenir à Wuhan, découvrir la réalité de cette conurbation dont l’écrivain Alexandre Labruffe nous raconte ses airs de Gotham City, son parfum de science-fiction. Car Wuhan décoiffe. Posée de part et d’autre du puissant Yangzi, ce fleuve-frontière entre la Chine du Nord et la Chine du Sud, elle vit de sa capacité à communiquer avec le monde entier. Le coronavirus en sait quelque chose… Son métro, son hub aérien et ses lignes internationales, sa gare TGV, tout la désigne comme la mégapole de la fluidité. Arnauld Miguet, le correspondant de France Télévisions en Chine qui est resté son prisonnier volontaire durant 133 jours, nous fait sentir cette ville puissante, et soudain pétrifiée. Wuhan avec sa sidérurgie lourde, son industrie automobile et ses universités, ses centres de recherche en biologie : le marteau et la plume ! Wuhan et ses punks aussi, ses marges – loin des clichés ordinaires.

Bref, voilà la Chine de l’intérieur comme on ne la connaissait pas, ou si mal. La romancière Fang Fang, dont le journal posté sur les réseaux sociaux a été lu et commenté avec passion durant tout le confinement, nous prend par la main et remonte le cours du temps. L’histoire cohabite avec le futurisme, la masure avec le gratte-ciel, la misère avec le fric à gogo. Wuhan n’a pas volé son surnom de « Chicago de l’Est » avec ce qu’il charrie de menaces et d’énigmes.

Une énigme non résolue et peut-être à jamais posée : la ville a effacé toutes les traces qui auraient pu permettre de comprendre l’origine de l’épidémie dont elle a été l’épicentre, nous rappelle François Godement, historien et spécialiste de la Chine. Une énigme renforcée par le refus réitéré de Pékin d’accepter que les experts de l’OMS se rendent à Wuhan pour enquêter… Tout le monde ne peut pas revenir à Wuhan ! 

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