Pourquoi le Groenland ?
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Dans une déclaration retentissante, le nouveau président américain Donald Trump a évoqué début janvier une annexion du canal de Panama, du Canada et du Groenland. Un discours de puissance derrière lequel se cache une stratégie visant à réduire drastiquement le déficit de la balance commerciale américaine.
L’intérêt des États-Unis pour le Groenland ne date pas d’hier. Pionniers de son exploration, les Américains ont tenté d’acquérir l’île en 1867 (en même temps que l’Alaska), puis en 1946. Washington établit finalement une présence militaire sur ce territoire avec le traité de défense de 1951. La base spatiale qui y fut installée, avant-poste américain le plus proche du pôle Nord, joua un rôle stratégique majeur pendant la guerre froide pour surveiller l’URSS. L’île est devenue une pièce maîtresse du dispositif occidental de défense, tant pour les États-Unis que pour l’Otan, dont font partie le Danemark comme le Groenland. Cette base reste aujourd’hui une véritable vigie du trafic maritime de la région. À surveiller : une flotte russe de vingt-cinq sous-marins nucléaires, bientôt renforcée par huit nouvelles unités. La Chine n’est pas en reste. Elle déploie six submersibles dans ces eaux où se croisent les plus grandes ambitions géopolitiques de la planète.
L’enjeu n’est pas que militaire. Les routes arctiques sont de puissantes artères commerciales. Elles voient transiter les ressources les plus recherchées : hydrocarbures, minerais, métaux, mais aussi charbon, bois, céréales et produits de la pêche. Dans ce contexte, l’offensive économique chinoise, marquée par des investissements massifs dans les infrastructures portuaires groenlandaises, inquiète Washington. Le Pentagone redoute de perdre son emprise sur ce qui est devenu une voie maritime stratégique.
Dans les eaux glacées de la politique de Donald Trump se retrouvent beaucoup des us et coutumes des milieux d’affaires américains, aussi bien un appétit sans borne qu’un réalisme sans vergogne
Le Groenland, territoire autonome du Danemark depuis 1979, n’est certes pas à vendre. Mais il est dépendant économiquement des capitaux étrangers pour valoriser ses importantes réserves de pétrole, de gaz naturel et de terres rares. Les États-Unis veulent aujourd’hui s’emparer de ces ressources pour faire concurrence à la Chine. Les Groenlandais, quant à eux, jouent de cette convoitise des Américains pour engager un rapport de force avec Copenhague. Le Premier ministre groenlandais, Múte Egede, a profité de son discours du nouvel an pour évoquer la possibilité d’organiser un référendum sur l’indépendance, potentiellement en parallèle des élections générales d’avril 2025. Pour les Danois, l’impétueux Donald Trump reste un partenaire plus sûr du point de vue de la sécurité nationale que la Chine ou la Russie.
Ce n’est pas la première fois que Trump lorgne le Groenland : il avait déjà tenté sa chance en 2019. Son objectif n’a pas changé : obtenir des accords commerciaux et des licences d’exploitation pour les géants pétrogaziers américains. Une stratégie qui pourrait se révéler doublement payante. En ouvrant de nouveaux marchés très lucratifs, elle favoriserait aussi le soutien des grands groupes de l’énergie et de la tech en faveur du Parti républicain. Un coup politique qui a eu des retombées immédiates en accélérant le financement de la cérémonie d’inauguration du 20 janvier (laquelle aurait coûté près de 150 millions de dollars). Il faudra s’y habituer : dans les eaux glacées de la politique de Donald Trump se retrouvent beaucoup des us et coutumes des milieux d’affaires américains, aussi bien un appétit sans borne qu’un réalisme sans vergogne. Des dispositions qui vont désormais rythmer la politique étrangère de la plus ancienne démocratie du monde.
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